Les réseaux sociaux sont envahis par une nouvelle mode : les Starter Packs générés par IA. Il s’agit de figurines numériques représentant les internautes, entourées de leurs objets fétiches.
Grâce à des prompts envoyés à ChatGPT, chacun peut se transformer en version “Barbie” ou “Action Man”. Ce phénomène, qui succède à la tendance des images Ghibli, se répand à grande vitesse sur Instagram, TikTok et X.
Si certains y voient un jeu amusant et créatif, d’autres s’interrogent sur les dérives de cette utilisation massive. L’impact sur le travail des artistes, mais aussi sur l’environnement, commence à inquiéter. La viralité ne suffit plus à masquer les dégâts.
Des artistes montent au créneau
Face à cette vague, les artistes professionnels n’ont pas tardé à réagir. L’illustrateur Patouret a lancé le hashtag #starterpacknoAI pour dénoncer cette appropriation visuelle sans âme. De nombreux créateurs s’en servent pour poster leurs propres Starter Packs … dessinés à la main et sans IA. Une façon de reprendre la main, tout en pointant du doigt l’absurdité du mimétisme imposé par l’IA.
Pénélope Bagieu, autrice et dessinatrice reconnue, n’a pas mâché ses mots : « On n’en peut plus des trends merdiques à l’IA ». Elle rejette les arguments selon lesquels les artistes s’adapteraient toujours aux nouvelles technologies. « L’exemple de l’invention de l’appareil photo n’a rien à voir », tranche-t-elle sur Instagram.
L’empreinte écologique passée sous silence
Gaëtan Gabriele, auteur de BD et créateur de contenu, a publié un post éclairant sur les dégâts invisibles de cette tendance. Une seule image générée par IA peut consommer jusqu’à 3,45 litres d’eau, soit plus de 17 verres. Les chiffres compilés par Frandroid sont tout aussi alarmants : entre 0,01 et 0,29 kWh d’énergie pour chaque image.
Et ce n’est que la partie émergée. En 2019, une étude du Massachusetts estimait que l’entraînement d’une IA équivalait à 205 allers-retours Paris-New York en avion en termes d’émissions carbone. Des données qui prennent tout leur sens lorsqu’on sait qu’un milliard de messages sont échangés chaque jour sur ChatGPT.
Lors de la tendance Ghibli, la situation a littéralement débordé. En une heure, OpenAI a gagné un million d’utilisateurs, a reconnu son PDG, Sam Altman. Les serveurs ont surchauffé et cela a ralentit les générations d’images. L’Agence internationale de l’énergie affirme qu’une seule requête ChatGPT consomme dix fois plus d’électricité qu’une recherche Google.
Cette saturation a révélé les limites physiques d’un système pourtant vanté comme infini. Une génération d’images qui paraît anodine devient en réalité un maillon dans une chaîne lourde à porter pour l’environnement.

L’IA consomme, les artistes trinquent
Au-delà de l’écologie, la multiplication de ces images fait du tort à la crédibilité des illustrateurs. Benoît Feroumont, auteur belge, s’emporte : « Ensuite, la tronche de tonton en muppet, les cousins façon Dragonball… J’en peux plus. » Les artistes se font parfois accuser à tort d’avoir recours à l’IA, leur style étant jugé “trop net”.
Cette confusion constante fragilise la reconnaissance de leur travail. Être créatif devient une épreuve de justification permanente, où il faut prouver qu’on n’a pas utilisé de machine.
Jackline, illustratrice et tatoueuse lilloise, appelle à la responsabilité collective : « Arrêtons de donner du crédit à l’IA qui vole le travail des artistes. » Elle invite les internautes à résister aux tendances, même si elles semblent ludiques. « Ou alors, payons les artistes pour le faire », propose-t-elle.
Derrière chaque image se cache un choix. Le choix de cliquer, ou non. Le choix de soutenir une création réelle, ou d’amplifier une production automatisée. Pour de plus en plus d’artistes, la réponse est claire : il est temps de redonner de la valeur à l’intention humaine.
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