Le bras de fer entre les auteurs français et les géants de la tech s’intensifie. Les principales associations de défense des écrivains et éditeurs viennent d’assigner Meta en justice. Elles accusent la firme d’avoir utilisé des œuvres protégées sans autorisation pour entraîner ses modèles d’IA.
Ce recours, déposé devant le tribunal judiciaire de Paris, marque une première en France contre une entreprise de l’IA.
Le Syndicat national de l’édition (SNE), la Société des gens de lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC) affirment avoir découvert de nombreuses œuvres protégées dans les bases de données utilisées par Meta. Selon Vincent Montagne, président du SNE, « de nombreuses œuvres éditées par nos membres figurent dans ces corpus de données ».
Le groupe californien a notamment eu recours, jusqu’en 2023, à Books3, une base de données contenant près de 200 000 livres, dont certains en français. Cette exploitation, réalisée sans l’accord des ayants droit, a permis à Meta d’améliorer son modèle d’IA générative Llama, utilisé notamment sur Facebook et Instagram.
Une vague de procédures contre Meta et les géants de l’IA
Cette assignation intervient alors que des procédures similaires se multiplient dans le monde. Aux États-Unis, Meta fait déjà face à une plainte de l’actrice et autrice Sarah Silverman. Cette plainte accuse l’entreprise d’avoir utilisé ses livres sans autorisation. Le romancier Christopher Farnsworth a, lui aussi, intenté une action contre le groupe en octobre 2024.
D’autres entreprises de l’IA sont également visées par des actions en justice. OpenAI, la société derrière ChatGPT, est poursuivie aux États-Unis, au Canada et en Inde. Cette multiplication des procès met en lumière une tension croissante entre les créateurs de contenu et les grandes entreprises technologiques.
Un combat « David contre Goliath »
Les représentants des auteurs français dénoncent un vol à grande échelle. « On est en présence d’un pillage monumental », s’indigne Maïa Bensimon, déléguée générale du SNAC. Pour Renaud Lefebvre, directeur général du SNE, cette procédure est avant tout un combat pour le respect du droit d’auteur.
« C’est un petit David contre Goliath », affirme-t-il pour souligner l’impact symbolique de cette action. L’objectif, selon les plaignants, n’est pas d’obtenir des dommages et intérêts colossaux, mais d’imposer une reconnaissance du droit des auteurs et une rémunération équitable.
Meta et la défense du « fair use »
Face à ces accusations, Meta tente de se défendre en invoquant la notion de « fair use » (usage raisonnable). Il s’agit d’un concept du droit américain permettant l’exploitation de contenus protégés sous certaines conditions. Une ligne de défense qui ne convainc pas les auteurs, pour qui l’intelligence artificielle ne doit pas se développer au détriment de la culture et de la création.
« La création d’un marché de l’IA ne peut pas se concevoir au détriment du secteur de la culture », martèle Vincent Montagne.
Au-delà du simple conflit juridique, cette affaire s’intègre dans un cadre plus large de régulation de l’IA en Europe. L’Union européenne travaille activement sur des règles visant à encadrer l’utilisation des contenus protégés par les modèles d’IA.
Les plaignants espèrent que cette action contribuera à établir des règles claires et protectrices pour les créateurs. Contacté, Meta n’a pas encore réagi à cette assignation, mais la bataille ne fait que commencer.
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