Alors que les systèmes d’intelligence artificielle étaient auparavant conçus pour des tâches étroites et spécifiques, les modèles de fondation marquent une rupture significative. Grâce à leur architecture flexible, ils peuvent s’adapter à une grande variété de tâches, montrant des capacités de polyvalence sans précédent.
Les modèles de fondation, c’est quoi au juste ?
Les modèles de fondation représentent un changement de paradigme dans l’univers de l’IA. Contrairement aux systèmes traditionnels, ces nouvelles architectures peuvent être adaptées à une multitude d’applications distinctes. Définis comme des réseaux neuronaux entraînés sur des ensembles de données vastes et diversifiés, ils se caractérisent par leur capacité à produire une grande variété de résultats. Il peut s’agir de textes, d’images, de code ou de sons.

L’une des forces de ces modèles est leur exceptionnelle adaptabilité. Celle-ci est rendue possible par l’apprentissage par transfert. Ce mécanisme leur permet d’utiliser les connaissances acquises au cours d’un grand nombre de tâches pour résoudre des problèmes très spécifiques.
La quantité et la diversité des données d’entraînement sont cruciales pour développer la polyvalence des modèles de fondation. L’auto-supervision à grande échelle sur de vastes corpus non étiquetés y contribue également de manière décisive. Cette approche permet de constituer une base pré-entraînée transférable à diverses applications, tout en réduisant les coûts liés à l’annotation manuelle des données.
Une appellation récente mais des racines profondes
Bien que le terme « modèle de fondation » n’ait été introduit qu’en 2021, les origines de cette révolution remontent à des travaux plus anciens. Des modèles comme BERT et GPT, tous deux développés en 2018, sont considérés comme les pionniers de cette catégorie d’intelligence artificielle. L’architecture Transformer, proposée par Google en 2017, a été un élément clé de cette transformation.
Les techniques d’apprentissage non supervisé, semi-supervisé et par transfert, étroitement liées aux modèles de fondation, ont des origines encore plus anciennes.
Mais c’est le lancement de ChatGPT fin 2022, basé sur l’architecture de GPT-3.5, qui a marqué un tournant décisif pour les modèles de fondation. Il a révélé au grand public leur potentiel et leurs capacités remarquables. Depuis, l’intérêt pour ces technologies s’est envolé, connaissant une accélération spectaculaire en 2023 et 2024.
Les trois piliers des modèles de fondation : langage, vision et multimodalité
Les modèles de fondation se divisent principalement en trois grandes catégories. On trouve d’abord les modèles dédiés au traitement du langage naturel. Ensuite ceux spécialisés dans la vision par ordinateur. Et enfin les systèmes multimodaux, capables d’intégrer plusieurs types de données.
Traitement du langage naturel
Les modèles de fondation pour le traitement du langage naturel (NLP) sont les plus médiatisés. Parmi eux, les grands modèles de langage (LLM), tels que GPT-4 d’OpenAI ou Llama de Meta, excellent dans la compréhension et la génération de textes. Ils peuvent répondre à des questions complexes, rédiger des articles et traduire entre différentes langues.
C’est BERT (Bidirectional Encoder Representations from Transformers), publié par Google en 2018, qui a marqué un tournant décisif dans le domaine. Grâce à son approche bidirectionnelle innovante, ce modèle a permis d’analyser le contexte d’une séquence de texte de manière globale.
Vision computationnelle
Dans le domaine de la vision par ordinateur, les modèles de fondation ont également fait des avancées spectaculaires. Ces systèmes peuvent accomplir des tâches variées. Ils sont ainsi capables de classer des images, détecter des objets et segmenter des images. Mais également de générer des visuels à partir de descriptions textuelles.
Les modèles génératifs comme Stable Diffusion, Imagen, DALL-E, Midjourney ou encore Ideogram ont transformé la création d’images à partir de texte. Ils permettent également d’effectuer des tâches complexes comme l’édition d’images et le transfert de style.
Le modèle SAM (Segment Anything Model) de Meta et GroundingDINO montrent des capacités remarquables en segmentation et détection d’objets. Ils fonctionnent sans nécessiter d’entraînement spécifique pour de nouveaux types d’objets ou de scènes.
Systèmes multimodaux
La frontière la plus prometteuse réside dans les modèles de fondation multimodaux. Conçus pour traiter simultanément plusieurs types de données, ils offrent une compréhension plus riche et plus nuancée du monde. Une caractéristique qui se rapproche davantage de la perception humaine, naturellement multisensorielle.
Les modèles de langage-vision (VLM), comme GPT-4 avec vision ou Gemini de Google, acceptent ainsi des images, du texte et parfois d’autres formats en entrée. D’autres systèmes, comme ImageBind de Meta AI, fusionnent jusqu’à six modalités différentes dans un espace d’intégration unique.
La recherche sur les grands modèles de langage multimodaux suscite un intérêt croissant dans le domaine de l’intelligence artificielle. Ils ouvrent la voie à de nouvelles applications dans des domaines tels que la robotique, la réalité augmentée et l’interaction homme-machine.
Des applications qui transforment tous les secteurs
L’impact des modèles de fondation se fait déjà sentir dans de nombreux domaines. Ils changent peu à peu notre manière de travailler, d’apprendre et d’interagir avec la technologie.
Une nouvelle ère pour le traitement du langage
Dans le domaine du traitement du langage, les modèles de fondation alimentent des assistants virtuels intégrés à de nombreux sites web. Ils servent aussi à la rédaction automatisée, à la traduction en temps réel et à l’analyse de sentiments.
Dans le domaine biomédical, des modèles spécialisés tels que BioBERT sont utilisés pour l’extraction de connaissances à partir de textes médicaux. Des outils d’analyse de texte basés sur ces architectures, comme Google Cloud Natural Language API, Amazon Comprehend et Microsoft Azure Text Analytics, sont employés pour des tâches avancées telles que la reconnaissance d’entités nommées et la modélisation thématique.
La révolution visuelle
Dans le domaine de la vision artificielle, les modèles de fondation ont révolutionné l’analyse d’images et de vidéos. Des outils tels que Midjourney et le remplissage génératif d’Adobe Photoshop, propulsés par ces architectures de pointe, transforment radicalement notre façon de créer et d’éditer des contenus visuels.
Les applications s’étendent à l’identification d’images, la reconnaissance d’objets, la conduite autonome, la robotique et l’édition photo et vidéo.
Dans le commerce électronique, on utilise ces modèles pour la génération d’images de produits. Dans le développement de jeux, pour la création de concepts artistiques ; dans l’architecture, pour la génération de plans.
L’intégration des données multimodales
Les modèles de fondation multimodaux offrent des perspectives encore plus vastes en traitant plusieurs types de données à la fois. Dans la fabrication, les robots mobiles autonomes exploitent des données provenant de multiples capteurs.
Dans le domaine de la santé, ces modèles contribuent au diagnostic des maladies en analysant simultanément des images médicales et les antécédents des patients. La recherche visuelle, l’extraction de métadonnées et l’analyse multidimensionnelle sont d’autres applications prometteuses.
L’art délicat de l’entraînement des modèles de fondation
La création des modèles de fondation repose sur un processus d’entraînement complexe et gourmand en ressources, qui constitue à la fois leur force et leur talon d’Achille.
Des données massives comme matière première
L’entraînement des modèles de fondation repose sur l’exploitation de quantités massives de données. Ces modèles sont nourris de milliards de mots et d’images, collectés sur Internet à partir de sources variées comme des livres, articles et sites web.
Cet accès à des données colossales et diversifiées est la clé qui leur permet d’acquérir une compréhension approfondie du monde. En analysant ces vastes corpus, ils apprennent à détecter des schémas complexes et des relations sous-jacentes.
L’utilisation fréquente de données non étiquetées ou semi-étiquetées met en avant le rôle crucial des techniques d’apprentissage auto-supervisé. Celles-ci permettent d’exploiter au maximum ces masses de données brutes, en extrayant des significations et des structures sans intervention humaine.
Des techniques d’entraînement sophistiquées
L’auto-supervision à grande échelle constitue la méthode d’entraînement privilégiée pour ces modèles. Cette approche leur permet d’apprendre des motifs à partir de données sans nécessiter de grandes quantités d’exemples étiquetés.
Les modèles de fondation sont généralement d’abord pré-entraînés sur un vaste corpus pour acquérir des connaissances générales, puis affinés sur des tâches spécifiques avec des ensembles de données plus restreints.
Le « fine-tuning », clé de la polyvalence des modèles de fondation
L’une des caractéristiques les plus remarquables des modèles de fondation est leur capacité d’adaptation à des tâches spécifiques. Grâce à un réglage fin (fine-tuning), ces modèles peuvent être spécialisés dans des domaines particuliers en ajustant leurs poids sur la base d’ensembles de données ciblés.
Le coût de cet ajustement est généralement une fraction de celui de l’entraînement initial du modèle, ce qui en fait une approche particulièrement avantageuse sur le plan économique.
Avantages et limites des modèles de fondation par rapport aux approches classiques
Les modèles de fondation marquent une rupture avec les méthodes conventionnelles d’apprentissage automatique, offrant des avantages décisifs. Cependant, les modèles de fondation soulèvent également des défis importants.
Des atouts importants
La polyvalence est le principal atout des modèles de fondation. Elle leur permet d’accomplir une grande variété de tâches avec un minimum d’entraînement spécifique.
Plus remarquable encore, ces modèles peuvent développer des capacités émergentes non anticipées lors de leur conception. Ces aptitudes inattendues révèlent un potentiel d’innovation encore largement inexploré.
Des défis de taille
Bien que prometteuses, les capacités des modèles de fondation sont encore limitées à plusieurs égards. Leurs exigences infrastructurelles importantes les rendent coûteux et gourmands en ressources informatiques et énergétiques. L’intégration de ces modèles dans des applications concrètes nécessite également des efforts de développement significatifs.
Par ailleurs, la fiabilité de leurs réponses reste perfectible, avec des risques d’inexactitudes contextuelles, de biais ou de propos inappropriés pouvant aller jusqu’à des hallucinations. Le fonctionnement opaque de ces modèles, assimilables à des « boîtes noires », complique leur contrôle ainsi que l’interprétation et la correction de leurs erreurs.
Enfin, l’utilisation intensive de données personnelles soulève des inquiétudes légitimes quant au respect de la vie privée. L’impact environnemental du calcul intensif requis pour leur entraînement pose également des questions éthiques importantes.
Des efforts de recherche sur l’explicabilité, la robustesse et l’efficacité énergétique de ces systèmes sont ainsi nécessaires pour en permettre un déploiement responsable à grande échelle.
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