Et si une simple photo de votre visage pouvait prédire vos chances de survivre à un cancer ? C’est l’ambition de FaceAge, un nouvel outil d’IA développé par des chercheurs du Mass General Brigham.
FaceAge ne mesure pas l’âge chronologique, mais l’âge biologique visible à travers certaines zones du visage. Il analyse des traits subtils, comme la masse musculaire des tempes ou le relâchement autour des yeux. Ensuite, il tente d’évaluer la capacité d’un patient à supporter un traitement lourd.
Le Dr Ray Mak, radio-oncologue au Brigham and Women’s Hospital, co-auteur de l’étude, explique que les médecins n’ont souvent d’autre choix que de se fier à leur intuition. Lorsqu’un patient paraît plus vieux qu’il ne l’est, certains traitements ne lui sont pas proposés. Inversement, une personne en forme malgré son âge pourrait bénéficier de soins plus poussés, mais les médecins hésitent encore trop souvent.
L’exemple d’un patient traité au-delà des standards
Jay Ball, 86 ans, a marqué l’équipe médicale par sa vitalité peu commune. Atteint d’un cancer du poumon, il a reçu une radiothérapie plus agressive que ce qui est normalement proposé à son âge. Quatre ans plus tard, Ball va toujours bien et FaceAge a confirmé son âge biologique : environ dix ans plus jeune que son âge réel.
Pour Ball, ce résultat ne surprend pas vraiment. Il attribue sa forme à un long mariage heureux, un goût pour les jeux de mots, la curiosité technologique et une famille longévive. Ses parents ont dépassé les 90 ans et une tante est allée jusqu’à 103.
Pour développer FaceAge, les chercheurs ont utilisé une base de données publique avec plus de 56 000 photos de personnes en bonne santé. Ils ont comparé ces visages à ceux de plus de 6 000 patients atteints de cancer, photographiés juste avant leur traitement. Résultat : les patients malades paraissent en moyenne cinq ans plus âgés que leur âge réel.
Hugo Aerts, co-auteur de l’étude, précise que FaceAge permet de détecter les patients à haut risque. Les personnes estimées à plus de 85 ans biologiquement sont celles qui ont la survie la plus courte. À l’inverse, plus de 75 % des patients estimés à moins de 65 ans sont encore vivants cinq ans plus tard.
Ce que l’outil regarde vraiment sur une photo
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, FaceAge ne s’arrête pas aux cheveux blancs ni aux rides frontales. Il analyse surtout la perte de masse musculaire autour des tempes, les creux au niveau des yeux et la finesse des tissus autour du nez. Mak précise que ces zones changent avec l’âge, bien plus que d’autres repères esthétiques. Ce sont ces micro-signes qui influencent l’estimation du visage par l’IA.
Alpa Patel, de l’American Cancer Society, reconnaît le potentiel de FaceAge mais invite à la prudence. De nombreux facteurs peuvent influencer l’image analysée : lumière, maquillage, chirurgie ou même qualité de l’appareil photo. Selon elle, l’outil doit encore être validé et encadré avant d’être utilisé en clinique. Mak partage cet avis. Son équipe lancera bientôt un essai clinique auprès de 64 patients atteints de cancer du poumon. L’objectif est de comparer les estimations de FaceAge à celles des médecins, tout en analysant les besoins complémentaires comme la kinésithérapie.

L’IA s’impose doucement dans la médecine moderne
FaceAge arrive dans une période où l’IA est déjà très présente dans les hôpitaux. Elle analyse des mammographies, lit des images ophtalmiques et classe les données dans les dossiers électroniques. Des outils similaires permettent aujourd’hui de résumer des mois d’historique médical en quelques heures seulement.
Mais ces progrès s’accompagnent aussi de défis. Andrew Beam, chercheur et rédacteur au NEJM AI, alerte sur les biais culturels, sexistes ou raciaux que l’IA peut reproduire et renforcer. L’équipe de FaceAge affirme avoir utilisé des données variées, mais continue à ajuster son modèle pour limiter les biais. Elle travaille aussi à améliorer la précision sur des visages de patients atteints de cancer ayant subi des modifications esthétiques.
Une question plus ambitieuse agite déjà l’équipe du Dr Mak. Peut-on, un jour, inverser l’horloge du vieillissement grâce à l’image ? Peut-on allonger la vie en observant l’évolution des traits du visage ? Ce n’est pas encore la priorité clinique de FaceAge, mais l’idée nourrit déjà les prochaines recherches.
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