L’Argentine va utiliser l’IA pour prédire les crimes et arrêter leurs auteurs à l’avance ! Une idée dystopique digne d’un épisode de Black Mirror, ou la solution technologique nécessaire pour faire face à l’insécurité moderne ?
En 1956, Philip K. Dick publiait le roman Minority Report, adapté au cinéma en 2002 par Steven Spielberg avec Tom Cruise dans le rôle principal.
Cette œuvre de science-fiction dépeint un futur dans lequel la police utilise l’intelligence artificielle pour prédire les crimes et arrêter leurs auteurs à l’avance.
Il s’agit avant tout d’une fable, d’un avertissement sur les dangers de persécuter des gens pour des choses qu’ils n’ont pas faites. Malheureusement, cette dystopie est sur le point de devenir réalité. Tout du moins, en Argentine.
Un nouveau groupe chargé d’utiliser l’IA pour prédire les crimes
Le gouvernement de président Javier Milei, connu pour son extravagance, vient d’annoncer la création d’un groupe d’intelligence artificielle au sein de la Direction de la Cybercriminalité et des Affaires Cybernétiques du pays.
Ce nouveau groupe utilisera un logiciel statistique dans le but de prédire les crimes. Selon le Ministère de la Sécurité, « la mission de l’Unité d’Intelligence Artificielle Appliquée à la Sécurité (UIASS) est la prévention, la détection, l’investigation et la poursuite des délits et de leurs liens grâce à l’IA ».
L’UIASS surveillera l’internet public et le Dark Web notamment pour enquêter sur les crimes et identifier leurs auteurs, analyser les images, analyser les vidéos de caméras de sécurité en temps réel.
Toutefois, elle utilisera aussi les algorithmes de Machine Learning pour « analyser les données de crime historiques afin de prédire les futurs crimes et aider à les empêcher »…
Le Ministère ne prétend pas s’inspirer de Philip K. Dick, mais de pays « pionniers dans l’utilisation de l’IA dans les domaines du gouvernement et de la sécurité ». Il cite notamment les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, Israël, Singapour, l’Inde et… la France.
En d’autres termes, nous serions une source d’inspiration pour cette utilisation de l’IA visant à arrêter les criminels avant qu’ils ne passent à l’acte. Une déclaration étonnante, compte tenu du laxisme de la justice française qui n’enferme pas les criminels même après qu’ils aient sévi…
Les experts craignent de graves dérives
Pour de nombreux experts, cette initiative présente de grands dangers. Selon Andrew Ferguson, professeur de droit à l’Université américaine de Washington DC, auteur du livre L’Essor du Big Data Policier , « il est difficile de trouver des technologies de police prédictive sur les réseaux sociaux qui fonctionnent réellement à grande échelle ».
En effet, jusqu’à présent, les tentatives de prédictions faites par la police ont obtenu des résultats plutôt médiocres selon un rapport publié en 2023 par The Markup.
Par exemple, les prévisions générées en 2018 par Geolitica pour le département de police de Plainfield aux États-Unis ont eu un taux de réussite inférieur à 0,5%.
En outre, sur les réseaux sociaux, le Centre d’études sur la liberté d’expression et l’accès à l’information de l’Université de Palerme à Buenos Aires a exprimé son inquiétude concernant l’opacité de l’acquisition et de la mise en œuvre de cette technologie par le gouvernement argentin.
Il souligne que, dans le passé, une technologie similaire a été utilisée pour profiler des universitaires, des journalistes, des politiciens et des militants. Toutes les dérives semblent donc désormais possibles…
L’IA prédictive a déjà fait ses preuves
Toutefois, certains logiciels prédictifs ont aussi fait leurs preuves. En 2022, des chercheurs de l’Université de Chicago ont affirmé avoir développé un algorithme capable de prédire où les crimes auront lieu, une semaine à l’avance, avec 90% de précision.
Contrairement à certaines idées reçues, leur étude a aussi révélé que la criminalité dans les zones les plus riches entraîne plus d’arrestations que la criminalité dans les zones défavorisées.
De même, plusieurs universitaires argentins et européens considèrent le système d’IA prédictive Prometea développé par le Ministère Public de la Ville de Buenos Aires comme un succès.
À travers un rapport publié en 2020, les auteurs Juan G. Corvalan et Enzo Maria Le Fevre Cervini affirment que Prometea « prédit la solution d’une affaire judiciaire en moins de 20 secondes avec un taux de réussite de 96% ».
Il permet également « de rédiger 1000 décisions judiciaires liées au droit du logement en seulement 45 jours, alors qu’avec la méthode traditionnelle, cela prendrait 174 jours ».
De plus, une étude publiée en 2021 sur l’état de préparation à l’IA dans cinq pays d’Amérique latine indique que IBM, Accenture et Oracle, en charge du développement de Prometea, ont estimé que le projet coûterait 100 000 dollars.
À la place, le procureur adjoint du parquet de Buenos Aires, Corvalán, a fait appel à un développeur en interne pour créer la première version du logiciel et cela ne lui a coûté que 500 dollars.
La seule solution face à l’explosion du crime ?
Et même si les systèmes d’IA peuvent faire preuve d’inexactitude, de coûts élevés, de biais et d’autres limitations, une enquête menée en 2021 aux États-Unis suggère « un consensus chez la majorité des chercheurs sur l’importance des algorithmes prédictifs dans le paysage policier ».
Face à l’augmentation de la violence dans nos sociétés, la multiplication des refus d’obtempérer et l’ensauvagement général, il semble clair que les méthodes policières traditionnelles ne sont plus suffisantes.
Par conséquent, malgré ses défauts, l’intelligence artificielle prédictive pourrait bel et bien être une solution contre l’insécurité ambiante. Comme dans beaucoup de domaines, l’Argentine va servir de laboratoire de test !
Et vous, qu’en pensez-vous ? Êtes-vous pour ou contre l’utilisation de l’IA pour tenter de prédire et d’empêcher les crimes avant qu’ils ne soient commis ? Partagez votre opinion en commentaire !
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