Un neuroscientifique spécialisé dans la vision et son épouse ophtalmologue ont transformé une dispute à propos d’une couverture en un phénomène viral. Avec plus de 1,5 million de visites, leur site interactif propose un test pour explorer et questionner la perception des couleurs.
Tout a commencé avec une simple couverture. Le Dr Patrick Mineault, neuroscientifique visuel et sa femme, la Dre Marissé Masis-Solano, ophtalmologue, ne voyaient pas la même couleur. Lui la percevait verte, tandis qu’elle la voyait bleue. Pour en avoir le cœur net, Mineault a créé une application Web interactive, ismy.blue, qui a rapidement captivé des millions d’internautes. Le site invite les utilisateurs à déterminer s’ils voient du vert ou du bleu à travers une série de tests de discrimination des couleurs.
L’application propose aux utilisateurs de choisir entre vert ou bleu en observant des nuances de plus en plus similaires. Après le test, elle révèle où se situe la perception des couleurs des participants par rapport à celle des autres.
« Est-ce que nous voyons tous les mêmes couleurs ? » s’interroge Mineault. C’est une question qui intrigue philosophes et scientifiques depuis des millénaires. Les résultats montrent des différences surprenantes.
Julie Harris, professeure de psychologie spécialisée dans le traitement visuel, explique que nos yeux sont équipés de cellules rétiniennes appelées cônes. Ces cellules aident à distinguer les couleurs. Cependant, la façon dont nous nommons ces couleurs ou les reconnaissons de mémoire reste floue. Ainsi, la perception des couleurs n’est pas seulement une question de biologie, mais aussi de culture et de langage.
L’impact des conditions environnementales
Le test ismy.blue a connu un succès, car il rend visuel et accessible un sujet complexe. Mais ses résultats, bien que fascinants, ont leurs limites. Mineault souligne que des variations dans les conditions de visualisation, comme l’éclairage ambiant ou les paramètres d’affichage des appareils, peuvent influencer la perception des couleurs. Les modes nuit des téléphones, par exemple, peuvent rendre les bleus plus verts. Pour réduire ces variables, il recommande de faire le test avec d’autres personnes sur le même appareil.
Au-delà de son aspect ludique, ismy.blue représente une forme de participation citoyenne à la science et rapproche le grand public des enjeux scientifiques. À l’image de projets tels que Fold.it, qui se concentre sur le repliement des protéines, ou Sea Hero Quest, utilisé pour la recherche sur la démence, ces initiatives montrent comment la contribution des non-spécialistes enrichit la recherche. « La diversité des expériences humaines est précieuse pour la science », affirme Mineault.
Différentes visions, mêmes couleurs ?
Malgré la popularité d’ismy.blue, la question initiale reste sans réponse définitive. Pour Mineault et sa femme, la couverture restera un point de désaccord. « Dès qu’il y a un peu de vert, je l’appelle vert », dit Mineault, tandis que sa femme persiste à voir du bleu. Leur projet démontre que notre perception des couleurs, tout comme nos opinions, peut varier largement d’une personne à l’autre.
ismy.blue prouve que la science n’a pas toujours besoin d’être insulaire. En engageant le public, elle se nourrit de perspectives variées et surprenantes. Une simple dispute sur une couverture a ainsi ouvert la voie à une exploration collective de nos différences. Elle a marqué un petit pas vers une compréhension plus large des mystères de notre perception.
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