Plusieurs milliers de bippers ont explosé simultanément, tuant ou blessant grièvement des membres du Hezbollah au Liban. Tous les soupçons convergent vers les forces spéciales du Mossad israélien. Toutefois, au-delà de ce conflit au Moyen-Orient, une question se pose : votre smartphone ou vos autres appareils à batterie lithium peuvent-ils également être transformés en bombes par des hackers ?
Nous venons peut-être d’assister à la plus grande opération des services spéciaux de tous les temps. Le 17 septembre 2024, plusieurs milliers de bippers ont explosé simultanément dans les poches des membres du Hezbollah.
Au moins seize personnes ont été tuées, et près de 3000 ont été blessées. Les explosions ont eu lieu un peu partout au Liban, dans la banlieue sud de Beyrouth nommée Dahiyeh, dans la Vallée Bekaa située à l’est, mais aussi en Syrie.
Parmi les victimes, on dénombre notamment l’ambassadeur iranien à Beyrouth, mais aussi une jeune enfant selon le ministre de la Santé du Liban.
Le fils du membre du Parlement libanais Ali Ammar aurait également péri. Plus de 200 personnes ont subi des blessures critiques.
Les hôpitaux du Liban ont été submergés par un flux de patients, et le pays a même dû mettre en place un hôpital de campagne dans la ville de Tyre située au sud pour accueillir les blessés. Pendant plus de trois heures, les sirènes d’ambulances ont résonné dans Beyrouth.
Selon le Hezbollah, cette attaque massive et pernicieuse aurait été orchestrée par les espions du Mossad. Les bippers auraient en effet été piégés à l’aide d’explosifs, avant d’être importés par le Hezbollah il y a quelques mois.
Une enquête est en cours pour déterminer les causes des explosions, mais le Hezbollah affirme déjà qu’Israël recevra « une punition méritée ».
Par ailleurs, le ministre de l’information du Liban, Ziad Makary, a condamné l’attaque et l’a qualifiée « d’agression israélienne ».
Pour le moment, l’armée israélienne n’a pas commenté directement cette vague d’explosions. Elle affirme cependant que ses hauts commandants ont procédé à une évaluation de la situation.
Cette évaluation est « axée sur l’état de préparation à la fois offensive et défensive dans tous les domaines ».
Qui a vraiment fabriqué ces bippers ?
Les images des bippers publiées après l’attaque ont un autocollant suggérant qu’ils sont fabriqués par l’entreprise taïwanaise Gold Apollo.
Toutefois, selon le PDG de l’entreprise asiatique, Hsun Ching-kuang, les appareils sont produits par une société située en Europe détenant les droits d’utiliser sa marque.
Il affirme que « le produit n’était pas le nôtre. Il y a seulement notre marque dessus, nous sommes une entreprise responsable et c’est très embarrassant ».
On peut penser que le fabricant taïwanais tente de sauver son image et sa réputation, mais l’enquête permettra de tirer au clair la véritable provenance de ces appareils et la cause de l’explosion…
Une opération spectaculaire du Mossad ?
Selon une source du Hezbollah, l’attaque serait une réponse à la tentative d’assassinat menée par la milice sur un ancien officier de la défense israélienne. Cette tentative a été révélée le même jour par l’agence de sécurité israélienne Shin Bet.
Quelques heures avant l’attaque, Israël a annoncé une extension de ses objectifs dans la guerre déclenchée par les attaques du Hamas le 7 octobre 2023. Désormais, le combat contre le Hezbollah à la frontière du Liban est inclus dans ce conflit.
Un officiel du Hezbollah, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a admis que la détonation était « la plus grande faille de sécurité » du groupe depuis le 7 octobre.
De même, l’ancien officier adjoint du renseignement national du gouvernement américain pour le Moyen-Orient, Jonathan Panikoff, a déclaré qu’il s’agit sans aucun doute « du plus grand échec du contre-espionnage du Hezbollah depuis des décennies ».
Au cours des derniers mois, plusieurs assassinats ciblés ont été orchestrés par Israël contre les dirigeants du Hezbollah.
Une période d’apaisement précaire s’était installée depuis trois semaines, suite à la réponse limitée du Hezbollah après l’assassinat de son principal commandant militaire, Fuad Shukr, fin août 2024. Il ne s’agissait en fait que du calme avant la tempête.
Les États-Unis mettent tout en œuvre pour atténuer les tensions entre les deux camps, et craignent que le Premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu, puisse ordonner une invasion terrestre du Liban.
Cette attaque menace aussi de ruiner tous les efforts des États-Unis pour empêcher l’Iran de riposter contre Israël suite à l’attentat mené à Téhéran en juillet 2024 pour tuer le leader politique du Hamas, Ismail Haniyeh…
Appareils de communication piégés : une tradition israélienne
Malgré l’impressionnante envergure de cette attaque, c’est loin d’être la première fois que les espions israéliens utilisent les téléphones et autres appareils de communication pour pister, surveiller et assassiner leurs ennemis.
Dès 1972, dans le cadre de la revanche contre l’Organisation de Libération Palestinienne qui avait tué 11 athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich, les agents du Mossad avaient remplacé le socle en marbre du téléphone utilisé par le représentant français du PLO Mahmoud Hamshari dans son appartement parisien.
Lorsqu’il a décroché son téléphone le 8 décembre, une équipe israélienne située à proximité a déclenché les explosifs cachés dans la réplique de socle. L’homme a perdu une jambe, puis est mort quelque temps après.
En 1996, l’agence israélienne Shin Bet est parvenue à piéger le fabricant de bombes Yahya Ayyash du Hamas pour le pousser à répondre à un appel de son père sur un téléphone portable apporté à Gaza par un collaborateur palestinien.
Plus de 50 grammes d’explosifs étaient cachés dans le téléphone, et la détonation à proximité de son oreille l’a tué sur le coup.
Lors de l’explosion soudaine des bippes ce 17 septembre 2024, les regards se sont immédiatement tournés vers Israël : la seule puissance régionale dotée d’un réseau d’espionnage capable de mener une attaque si audacieuse et sophistiquée.
Votre smartphone peut-il aussi être transformé en bombe ?
A priori, les explosions ont exploité les bippers low-tech que le Hezbollah a adopté pour empêcher les assassinats ciblés de ses membres via le tracking des signaux de smartphones.
Dépourvus de GPS, de micro et de caméras, avec un système de communication textuelle très limité, ces bippers ont théoriquement une surface d’attaque nettement inférieure aux smartphones et sont donc plus difficiles à pirater.
Cela n’a pas suffi à empêcher le Mossad de piéger les appareils, et la stratégie de protection du Hezbollah s’est donc retournée contre lui.
Alimentés par des piles AA ou AAA ou des batteries lithium pour les modèles les plus récents, ils peuvent être forcés à exploser.
Les explosions filmées par les caméras de surveillance montrent que les cibles étaient en train de vaquer à leurs occupations quotidiennes, par exemple en faisant les courses au supermarché.
Toutes les détonations ont eu lieu dans une période de trente minutes. Un message ou une alerte a incité les cibles à dégainer leurs appareils pour regarder l’écran LCD, et c’est à ce moment que les explosions ont eu lieu.
Beaucoup de victimes ont perdu des doigts ou ont été blessées au visage, mais ceux qui avaient gardé leurs bippers dans leurs poches ont pu être atteints à l’abdomen ou au niveau des parties génitales.
Suite à cette attaque massive, des internautes s’interrogent : est-il également possible de faire exploser un smartphone ou même une voiture électrique équipée d’une batterie lithium ?
Pour l’heure, les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer comment les détonations ont été exécutées et coordonnées.
Il y a deux possibilités principales. Dans le premier cas, les bippers ont pu être interceptés avant d’être livrés au Liban, et une petite quantité d’explosifs a pu y être insérée discrètement.
La deuxième hypothèse est celle d’une cyberattaque, au cours de laquelle un malware aurait forcé la batterie à surchauffer jusqu’à l’explosion.
Dans ce cas de figure, il serait bel et bien possible de pirater un smartphone ou une voiture électrique de la même manière pour provoquer son explosion.
On ne peut donc qu’espérer qu’aucun groupe de hackers ou autre organisation terroriste ne s’inspire de cette attaque pour s’en prendre à des civils…
Et vous, qu’en pensez-vous ? L’explosion a-t-elle été causée par des charges explosives dissimulées dans les bippers, ou par un malware poussant la batterie à surchauffer ? Partagez votre avis en commentaire !
- Partager l'article :