L’Europe vit une période d’hyper-tension numérique. Le rapport 2025 de CrowdStrike dresse un constat limpide : jamais les cybermenaces n’ont été aussi nombreuses, coordonnées et lucratives. Derrière les écrans, c’est une guerre économique et géopolitique d’une rare intensité, où mafias numériques et États voyous avancent main dans la main.
On dit souvent que les hackers vont là où se trouve l’argent. Et en 2025, c’est bien l’Europe qui attire toutes les convoitises. Selon CrowdStrike, 22 % des victimes mondiales de ransomware sont européennes. Un record derrière l’Amérique du Nord.
Pourquoi ? Parce que le Vieux Continent concentre les géants du luxe, de la finance et de la tech.
Parce que le RGPD peut se retourner contre les entreprises (des groupes criminels menacent désormais de dénoncer leurs victimes aux autorités européennes pour “non-conformité”). Et parce que les groupes russophones y trouvent un terrain de jeu rentable et juridiquement lointain.
Les campagnes de “big game hunting”, ces chasses au gros gibier numérique, explosent : plus de 2 100 entreprises européennes ont été citées sur des sites de fuite de données depuis 2024. Les secteurs les plus ciblés : industrie, services, technologie, ingénierie et retail.
Le crime en version SaaS
Oubliez le cliché du pirate solitaire. Aujourd’hui, le crime s’industrialise : ransomware-as-a-service, malware-as-a-service, violence-as-a-service.
Les forums russophones comme Exploit ou XSS servent de places boursières où s’échangent accès réseau, fausses CAPTCHAs, outils de vishing et kits de phishing clé en main.
On y trouve même des “brokers” qui vendent des accès initiaux à des SI complets. 260 courtiers ont ainsi revendu plus de 1 400 accès à des entreprises européennes depuis 2024.
Les anglophones ne sont pas en reste : BreachForums, repris par le tristement célèbre ShinyHunters, a servi de QG à une génération de cyber-revendeurs avant d’être démantelé par la police française en 2025.
Mais ces arrestations restent de courte durée : la cybercriminalité fonctionne comme une hydre, chaque tête coupée donnant naissance à deux autres.
Le retour du téléphone et du CAPTCHA piégé
L’année 2025 marque le grand retour du vishing, le phishing vocal. Des opérateurs comme Scattered Spider utilisent de fausses lignes d’assistance pour soutirer des identifiants aux employés. CrowdStrike a recensé près de 1 000 incidents de ce type, et les versions multilingues se multiplient avec des natifs allemands, portugais ou français au bout du fil.
Autre mode opératoire en vogue : la fausse page CAPTCHA, qui imite les tests anti-bot de Google pour faire exécuter un script malveillant par la victime. Plus de 1 000 attaques recensées en Europe en 2024-2025.
Le comble : ces leurres sont disponibles en “pack premium” sur Telegram, avec options “anti-antivirus” et “skin crypto”.
États-nations : l’ombre derrière l’écran
L’autre versant du rapport tient du thriller géopolitique. Russie, Chine, Iran, Corée du Nord : les “Pandas”, “Kittens”, “Bears” et “Chollimas” continuent d’opérer sur le continent européen.
- Russie : priorité absolue à la guerre en Ukraine, mais les attaques débordent vers les alliés européens. Les groupes Fancy Bear (GRU) et Cozy Bear (SVR) mènent de vastes campagnes d’espionnage contre les ministères, ONG et think tanks européens. Les sabotages physiques coordonnés via Telegram se multiplient.
- Chine : cible les biotechs, les ministères et les industriels européens pour voler PI et secrets de R&D. Vixen Panda et Mustang Panda infiltrent laboratoires, défense et académies.
- Iran : mène une guerre hybride mêlant espionnage, “faketivisme” et DDoS, notamment via les groupes Haywire Kitten et Banished Kitten. Les tensions post-Israël-Hamas ont déclenché une pluie d’attaques contre les institutions européennes jugées “pro-israéliennes”.
- Corée du Nord : continue de piller les crypto-actifs et de cibler les entreprises de défense européennes. Le groupe Stardust Chollima combine phishing et vol de crypto pour financer le régime.
Hacktivistes et “justiciers du net”
Les hacktivistes surfent sur les conflits pour recruter et exister médiatiquement. Les groupes pro-russes (BOUNTY JACKAL, Z-Alliance) mènent des campagnes DDoS quotidiennes contre les États soutenant Kiev.
D’autres, pro-palestiniens (LulzSec Muslims, Tunisian Maskers Cyber Force), attaquent les sites gouvernementaux et les banques occidentales, mêlant slogans religieux et revendications politiques.
Plus inquiétant encore : l’essor du “Violence-as-a-Service”, où le numérique déborde dans le réel. En France, 13 cas de kidnappings liés à des vols de cryptomonnaies ont été recensés depuis 2024. Un crime hybride, entre deep web et grand banditisme.
L’Europe au bord de la rupture ?
CrowdStrike conclut sur un constat sévère : malgré les opérations de police, les écosystèmes cybercriminels restent d’une résilience effarante.
Les attaques se professionnalisent, les frontières entre espionnage et e-crime s’effacent, et les conflits armés servent désormais de prétextes à des offensives numériques planétaires.
L’éditeur américain recommande une riposte fondée sur trois piliers :
– l’IA agentique, capable de traquer les intrusions en temps réel ;
– la défense de l’identité, avec MFA matériel et surveillance comportementale ;
– la visibilité unifiée sur tous les environnements cloud et endpoints.
Sous la surface d’une Europe connectée et prospère, se trame une lutte invisible où s’entrecroisent idéologie, avidité et revanche.
Les cyberattaques ne sont plus un risque, mais un état permanent. Dans ce champ de bataille sans frontières, l’intelligence, humaine comme artificielle, devient la seule arme crédible.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Quelle est la cybermenace qui vous effraie le plus à l’heure actuelle ? Partagez votre avis en commentaire !
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