La Chine par-ci, la Chine par-là. Et c’est encore les chinois qui nous demandent d’oublier les bons vieux disques durs mécaniques avec leurs zones magnétiques encombrantes et leurs limites binaires. Pourquoi ?
Car ils viennent de développer le tout premier disque dur biologique. Un prototype révolutionnaire qui utilise des molécules pour stocker des données.
Il est capable d’encoder six fois plus de données qu’un disque mécanique classique. Mieux encore, il est plus économe en énergie et est doté d’une sécurité intégrée.
Leur recherche a été publiée dans Nature Communications le 27 février.
Comment le disque biologique marche ?
Les disques durs classiques utilisent des zones magnétiques pour stocker les données en binaire.
Mais cette méthode atteint ses limites, les HDD étant freinés par leur vitesse d’accès et leur densité de stockage. Et les SSD menacés par l’instabilité des cellules de mémoire trop miniaturisées.
Les scientifiques cherchent ainsi des alternatives plus efficaces. Et l’équipe dirigée par Gang Liu en a mis une au point, quoique dans une toute autre voie. Après avoir expérimenté l’encodage de données via la lumière, ils se tournent désormais vers les molécules elles-mêmes.

Leur idée est simple : remplacer les minuscules aimants des disques durs classiques par des molécules capables de stocker non pas un, mais six bits d’information simultanément.
Pour y parvenir, ils ont utilisé des composés organométalliques appelés RuXLPH. Des molécules structurées autour d’un atome central de ruthénium, entouré de ligands organiques spécifiques.
Ces molécules s’auto-assemblent en une monocouche ultra-fine sur un substrat conducteur. Leur particularité ? Elles peuvent adopter jusqu’à 96 états de conductance électrique distincts et stables.
Alors qu’un HDD traditionnel jongle uniquement entre « 0 » et « 1 », chaque molécule RuXLPH encode six bits dans sa structure atomique.
Le secret des chercheurs chinois ?
Le secret réside dans deux mécanismes chimiques complémentaires. Parmi elles, les réactions redox du ruthénium (Ru²⁺ et Ru³⁺) modifient l’état de charge des molécules, ce qui influence leurs propriétés électroniques.
En parallèle, le déplacement des ions chlorure, déclenché par le champ électrique appliqué, crée un potentiel interne qui ajuste leur conductance.
Autrement dit, ces réactions moléculaires invisibles à l’œil nu permettent d’inscrire l’information avec une densité record. Et ce, tout en ne consommant que 2,94 picowatts par bit.
Pour info : les HDD classiques engloutissent des milliards de fois plus pour faire la même chose.
Afin de lire et écrire les données, l’équipe utilise une pointe de microscope à force atomique conductrice (C-AFM). Une aiguille ultra-fine de 25 nm qui applique une tension électrique précise sur chaque molécule pour déclencher les réactions nécessaires à l’encodage de l’information.
Résultats ? Une uniformité des états de conductance supérieure à 94 % et une linéarité de modulation proche de 0,99. Traduction : le disque moléculaire affiche une stabilité et une fiabilité qui prouvent que cette technologie a un véritable potentiel pratique.
Autre chose. Grâce à un chiffrement XOR directement intégré dans la structure moléculaire, le disque biologique peut stocker et sécuriser des données sans matériel de chiffrement externe.
La preuve : les chercheurs ont encodé et chiffré une image des fresques des grottes de Mogao, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Chaque pixel, composé de rouge, vert et bleu (RGB), a été traduit en six bits et sécurisé directement dans les molécules.
Alors, les HDD et SSD sont-ils condamnés ?
Pas si vite. Si cette technologie ouvre une voie prometteuse, elle n’est pas encore prête à s’installer dans nos data centers. Deux obstacles majeurs freinent encore son adoption à grande échelle.
D’abord, la durabilité des pointes C-AFM. Ces aiguilles nanométriques, indispensables pour écrire et lire les données, ont une durée de vie limitée.
En mode contact continu — nécessaire pour les opérations classiques — elles tiennent entre 5 et 50 heures seulement. Tant qu’une solution pour prolonger leur longévité ne sera pas trouvée, le stockage moléculaire restera donc confiné au stade expérimental.
Ensuite, il y a la sensibilité des molécules RuXLPH. Ces dernières n’aiment pas du tout l’humidité et doivent être encapsulées pour éviter toute dégradation.
Le défi, c’est que cette encapsulation ne doit pas perturber leurs propriétés électroniques ni gêner le fonctionnement de la pointe C-AFM. Or, trouver une méthode viable et compatible avec une production de masse relève encore du casse-tête.
Cela dit, certes, ce disque dur biologique n’est pas prêt de quitter le laboratoire avant longtemps. Mais il n’en reste pas moins une avancée spectaculaire.
Alors, qu’est-ce que vous en dites ? Personnellement, je crois que le système de stockage moléculaire est sur la bonne voie.
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