À partir du 28 décembre 2021, les sites pornographiques PornHub, Tukif, Xhamster, Xvideo et Xnxx sont contraints par le CSA d’empêcher leur accès aux mineurs. Dans le cas contraire, la justice pourra ordonner aux fournisseurs d’accès internet de bloquer ces plateformes. Toutefois, les solutions de vérification d’identité mises en place par les sites web devront respecter la confidentialité et la protection des données des internautes…
Au début du mois de décembre 2021, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) avait demandé à cinq sites pornographiques de couper leur accès aux mineurs d’ici le 28 décembre sous peine de sanctions.
La date fatidique est arrivée. Si les sites PornHub, Tukif, Xhamster, Xvideo et Xnxx n’empêchent pas les mineurs d’accéder à leur contenu, la justice française pourrait les bloquer définitivement.
Toutefois, la vérification d’identité représente aussi un danger pour la confidentialité et la protection des données. Il existe plusieurs méthodes.
Beaucoup de sites pornographiques font appel à des entreprises tierces, spécialisées dans la vérification d’identité. Ces entreprises utilisent différents dispositifs permettant de vérifier l’âge des internautes tels que le scan de pièce d’identité, le selfie ou l’analyse des données de leurs comptes sur les réseaux sociaux.
Afin de préserver l’anonymat des visiteurs, les données collectées sont traitées localement et ne sont ni envoyées ni conservées sur des serveurs. L’inconvénient principal de ce type de service reste le prix, comme le révélait Gregory Dorcel du groupe Dorcel à l’AFP au printemps dernier : » globalement, à partir de 500 euros par an, vous pouvez protéger un site. Après, tout dépend des volumes traités « .
Cette somme paraît malgré tout dérisoire pour des sites comme Xvideo et Xnxx. Rappelons que ces plateformes » made in France » se hissent dans le top mondial des sites web les plus visités, et génèrent donc des revenus colossaux.
Une autre méthode de vérification d’identité est la vérification par carte bancaire. C’est la solution choisie par Tukif, l’un des cinq sites mis en demeure par le CSA. Toutefois, dans un entretien accordé à Next INPact en mars 2021, le webmaster du site révélait que les internautes peuvent contourner cette barrière en usant de certaines astuces…
Les recommandations de la CNIL pour la protection des données
Quelle que soit la méthode choisie, la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) rappelle que les dispositifs adoptés par les sites pornos doivent respecter plusieurs principes de protection de la vie privée. Les données devront être conservées de manière limitée et adéquate, conformément au RGPD.
Déjà en juin 2021, la CNIL notait que le système de vérification d’âge choisi ne pouvait conduire à une obligation d’identification générale avant la consultation d’un site X. Ceci porterait atteinte à l’anonymat sur le web. En outre, il est interdit de collecter des données directement identifiantes.
La commission estime qu’une telle pratique présenterait » des risques importants dès lors que l’orientation sexuelle des internautes pourrait être déduite des contenus visualisés et directement rattachée à leur identité « . En d’autres termes, vous n’avez sans doute pas envie que l’on connaisse votre penchant pour les combinaisons en cuir ou les femmes du troisième âge…
Par conséquent, le gendarme de la vie privée invite les sites à choisir des dispositifs basés sur la fourniture d’une preuve de la majorité. De préférence en s’appuyant sur un tiers de confiance, intégrant un mécanisme empêchant d’identifier le site à l’origine d’une demande de vérification. Il devrait aussi empêcher l’envoi de données identifiantes au site porno.
La justice peut-elle vraiment bloquer Xhamster ?
Quoi qu’il en soit, il est de la responsabilité des sites web mis en demeure de trouver des solutions et de prouver leur mise en oeuvre auprès du CSA. Depuis l’adoption de la loi sur les violences conjugales du 30 juillet 2020, les sites classés X ne peuvent se contenter de demander à un internaute s’il est majeur pour respecter l’interdiction d’exposer les mineurs à des photos ou vidéos pornographiques.
Cette loi autorise le CSA à saisir la justice, laquelle peut demander aux fournisseurs d’accès internet le blocage des sites ne respectant pas leur obligation. Les opérateurs télécom se disent prêts à respecter cette décision de justice, comme ils le font déjà pour les sites web illégaux tels que ZoneTéléchargement ou les sites web coupables d’apologie du terrorisme.
Reste à savoir si les dispositifs mis en place par les sites ou les blocages effectués par les fournisseurs d’accès internet seront suffisants pour empêcher l’accès des mineurs. Malheureusement, un simple VPN suffit souvent à contourner les restrictions à l’échelle nationale…
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