Et si vos données survivaient à l’humanité elle-même ? Des chercheurs ont conçu un cristal capable de conserver fichiers, textes et archives pendant 13,8 milliards d’années. Une technologie bien réelle, pensée pour traverser l’âge de l’univers et qui commence déjà à intéresser les data centers.
Des chercheurs de l’Université de Southampton développent une technologie de stockage capable de traverser l’histoire de l’univers. Leur cristal de stockage 5D permet de conserver jusqu’à 360 téraoctets de données sur une durée équivalente à 13,8 milliards d’années, soit l’âge estimé du cosmos. Désormais, la startup SPhotonix prépare son arrivée progressive dans les data centers spécialisés.
Cette technologie vise avant tout l’archivage longue durée, notamment pour les institutions scientifiques et industrielles. Contrairement aux supports magnétiques ou flash, le cristal ne repose sur aucun composant susceptible de se dégrader avec le temps. Les données restent physiquement gravées dans la matière, ce qui change radicalement l’approche du stockage numérique.
Une technologie de gravure optique ultra-précise
Le fonctionnement repose sur l’utilisation de lasers femtoseconde capables de graver des nanostructures internes dans un disque de silice fondue de 12,7 centimètres. Ces structures, appelées voxels, modifient localement le comportement de la lumière polarisée traversant le cristal. Chaque impulsion laser encode une information stable, lisible sur le très long terme.
Le stockage 5D exploite cinq paramètres distincts pour coder les données. Trois correspondent aux coordonnées spatiales classiques, tandis que les deux autres décrivent l’orientation et l’intensité de la biréfringence créée. Selon le professeur Peter Kazansky, « cette approche dépasse largement les limites des supports optiques traditionnels ».
Une capacité et une résistance hors normes
Grâce à cette méthode, un seul disque peut contenir jusqu’à 360 téraoctets de données. Cela équivaut à plusieurs milliers de disques durs conventionnels, tout en occupant un espace réduit. Cette densité permet d’envisager des archives massives sans dépendre d’infrastructures complexes et énergivores.
La robustesse du cristal constitue un autre point clé. Il résiste à des températures atteignant mille degrés, supporte des pressions extrêmes et encaisse les rayonnements cosmiques. Cette durabilité lui a valu un record Guinness en 2014, reconnu comme le support de stockage numérique le plus durable jamais conçu.
Des contenus symboliques déjà archivés
Les chercheurs ont déjà gravé plusieurs données emblématiques afin de démontrer le potentiel du support. Le génome humain complet, composé de trois milliards de lettres, figure parmi les premières archives stockées. Cette démonstration illustre la capacité du cristal à préserver des informations fondamentales pour l’humanité.
D’autres contenus culturels ont suivi, comme la trilogie Fondation d’Isaac Asimov, envoyée dans l’espace à bord de la Tesla d’Elon Musk. Plus inattendu, le jeu Heroes of Might and Magic III a également été archivé, dans un partenariat avec la plateforme GOG. Cela montre la polyvalence du procédé.

Un déploiement prévu dans les data centers
Pour passer du laboratoire à l’industrie, Peter Kazansky a fondé en 2024 la startup SPhotonix avec son fils Ilya. L’entreprise prépare actuellement des tests pilotes dans plusieurs data centers, avec un positionnement clair sur l’archivage à froid pour les grandes infrastructures.
Les performances restent pour l’instant limitées, avec environ 4 mégaoctets par seconde en écriture et 30 mégaoctets par seconde en lecture. L’objectif affiché vise 500 mégaoctets par seconde à moyen terme. Côté coûts, il faut compter environ 6 000 dollars pour un lecteur et 30 000 dollars pour un graveur, ce qui réserve la technologie aux usages professionnels.
Une promesse fascinante mais ciblée
Sur le papier, conserver des données plus longtemps que l’âge de la Terre frappe les esprits. En pratique, les contraintes actuelles limitent l’usage aux archives stratégiques et patrimoniales. Les sauvegardes personnelles restent plus adaptées aux supports classiques.
En revanche, pour préserver des archives scientifiques, historiques ou culturelles sur des échelles de temps inédites, cette technologie apparaît difficile à égaler. Le cristal de stockage 5D ne vise pas le quotidien, mais la mémoire longue de l’humanité.
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