linkedin données ia itw

LinkedIn entraîne son IA sur vos données : 2 experts dévoilent les risques

LinkedIn a déclenché une nouvelle polémique en intégrant les données de ses membres dans l’entraînement de ses modèles d’IA. Pour comprendre ce que cette évolution implique réellement, bien au-delà du discours officiel, nous avons sollicité deux spécialistes de Micropole, Jérôme Malzac et Eliott Mourier. Leur analyse croisée, entre innovation technologique et conformité réglementaire, dévoile un changement profond dont les effets pourraient redéfinir la manière dont le marché du travail fonctionne… et dont nos données circulent.

C’est en toute discrétion que LinkedIn a activé une nouvelle mécanique : utiliser les données de ses centaines de millions d’utilisateurs pour entraîner ses modèles d’intelligence artificielle.

Interactions, posts, réactions, messages… tout pourrait nourrir des systèmes prédictifs capables d’influencer la manière dont nous recrutons, cherchons un emploi ou nous présentons en ligne.

Pour comprendre ce que cela implique techniquement, juridiquement et socialement, nous avons interrogé deux spécialistes de Micropole (Talan Group).

Jérôme Malzac, directeur innovation, qui analyse la transformation de LinkedIn en véritable moteur prédictif du marché du travail.

jerome malzac

Eliott Mourier, Partner Data & AI Compliance, expert des implications RGPD et de la gouvernance des systèmes d’IA.

eliott mourier

Leur prise de parole conjointe offre une lecture rare : celle d’un duo qui combine vision technologique et interprétation juridique. Et leurs réponses sont beaucoup moins rassurantes qu’on pourrait l’espérer…

Une matière première impossible à reproduire

Pour Jérôme Malzac, LinkedIn possède un atout colossal : l’accès à une base mondiale d’interactions professionnelles réelles. 

« Leur valeur est considérable, à condition qu’elles soient bien comprises, correctement classifiées et analysées. Ce sont des données impossibles à reproduire, ni en qualité ni en diversité », explique-t-il.

Ces informations permettent d’enrichir les modèles sur plusieurs plans : « sémantique, contextuel et comportemental », précise-t-il. 

Il imagine déjà LinkedIn comme « le moteur prédictif du marché du travail », capable d’anticiper les besoins en compétences, d’ajuster les profils aux postes, ou même de générer de nouveaux services ultra-personnalisés.

Avec un brin d’ironie, il pointe un effet miroir : « L’IA de LinkedIn finira sans doute par s’entraîner sur un contenu déjà en grande partie généré… par l’IA elle-même. »

Bénéfique pour l’utilisateur ou extractif pour la plateforme ?

Lorsqu’on tente d’opposer “amélioration de l’expérience” et “extraction de données”, Jérôme Malzac ne voit pas de frontière réelle :

« Difficile, voire impossible, de faire la distinction. Sous couvert d’une amélioration du service… nous acceptons depuis longtemps une extraction souvent excessive de nos données. »

Une mécanique classique, presque invisible, qui repose sur un contrat implicite : un service gratuit ou plus performant contre un accès plus profond à notre vie numérique.

L’opt-out de LinkedIn : une fausse solution, peut-être même illégale

LinkedIn propose à ses utilisateurs de refuser l’utilisation de leurs données pour l’IA. Mais pour Malzac, ce système n’a rien de rassurant : « Le principe d’opt-out renverse la logique : la charge du refus repose sur l’utilisateur. »

Eliott Mourier est encore plus tranché : « L’approche opt-out est ici très discutableet même probablement illégale. Une application honnête du RGPD aurait nécessité un consentement actif, libre et éclairé. »

Selon lui, LinkedIn joue clairement sur la temporalité : « Les modèles seront vraisemblablement entraînés de façon irréversible. Le mal sera fait. LinkedIn paiera peut-être une amende, mais aura atteint son objectif. »

YouTube video

Les utilisateurs n’ont aucune idée de ce qu’ils donnent

Jérôme Malzac dresse un constat simple et inquiétant : « La grande majorité des utilisateurs ignore ou sous-estime à quel point leurs données sont déjà utilisées, ou le seront bientôt. Qui lit réellement les mises à jour des CGU ? Qui ne clique pas, presque machinalement, sur “Accepter tous les cookies” ? »

Un conditionnement qui banalise la perte de contrôle, et rend l’éducation indispensable… mais insuffisante pour toucher l’ensemble de la population.

Une IA capable d’aider… ou de fausser tout un marché

Les modèles entraînés par LinkedIn pourraient, dans le meilleur des cas, améliorer la précision des mises en relation et réduire les erreurs de recrutement.

Mais le scénario inverse existe. « On pourrait très vite aboutir à des recommandations de postes faussées… ou à une orientation erronée de filières entières », prévient Malzac.

Si l’IA pilote les premiers échanges candidat–recruteur, un modèle biaisé pourrait même fermer des opportunités au lieu d’en créer.

RGPD, CNIL, IA Act : un cadre toujours un train en retard

Pour Malzac : « Les décisions arrivent trop tard, quand les données ont déjà été collectées et exploitées. »

Eliott Mourier rappelle que le RGPD, rédigé en 2016, n’intègre même pas le concept d’IA générative :

« Comment garantir la limitation des finalités quand on n’a aucune idée des usages futurs des données ? Comment limiter la conservation quand les modèles semblent incapables de supprimer des données ciblées ? »

L’IA Act impose une gouvernance interne plus stricte, mais ne résout pas les impossibilités techniques du “désapprentissage”.

YouTube video

Rémunérer les utilisateurs ? « Je n’y crois pas »

Jérôme Malzac balaie l’hypothèse d’une future rémunération des données personnelles :
« L’ambition du Web3 était de redonner le pouvoir à l’utilisateur… mais ce sujet me semble aujourd’hui bien loin. Les usages sont désormais ancrés. Il n’y a plus besoin de carottes. »

LinkedIn est-il encore un réseau professionnel ?

À cette question, la réponse de Malzac est nette : « Oui probablement », LinkedIn est déjà en train de devenir une plateforme prédictive, bien plus qu’un simple réseau social d’échange professionnel.

Résistance ou prise de conscience ?

Pour Jérôme Malzac, certaines entreprises commencent à réagir : politiques de “data hygiene”, chartes d’usage de l’IA générative, recours à des clouds souverains… autant de signaux qu’une inquiétude nouvelle s’installe.

Eliott Mourier rappelle que cette vigilance est nourrie par un climat anxiogène :
« Phishing quotidien, piratages, usurpations d’identité… tout cela rend la protection des données beaucoup plus tangible. »

Il estime que l’Europe ne pourra pas industrialiser l’IA sans affronter ces enjeux frontalement.

Restez à la pointe de l'information avec LEBIGDATA.FR !

▶ Abonnez-vous à notre chaîne YouTube et Ajoutez-nous à vos favoris sur Google Actualités
Cliquez pour commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Newsletter

La newsletter IA du futur

Rejoins nos 100 000 passionnés et experts et reçois en avant-première les dernières tendances de l’intelligence artificielle🔥