Le voilà enfin sur nos routes, ou presque… Le robotaxi, ce fantasme d’ingénieurs, fait ses premiers pas timides dans l’univers concret. Mais entre les prototypes futuristes et la réalité des centres-villes congestionnés, le fossé reste immense.
Géants de la Silicon Valley, Tesla et d’autres constructeurs historiques se livrent une guerre sans pitié pour imposer leur vision de la mobilité autonome. Pendant ce temps, les premières expérimentations révèlent des succès… et des échecs retentissants. Alors, le robotaxi est-il vraiment le futur des transports urbains ou simplement le dernier jouet high-tech d’une industrie en quête de sens ? Enquête sur une révolution qui hésite encore entre triomphe et fiasco.
Déjà deux décennies d’évolution pour le robotaxi
L’ère des pionniers (2009-2016)
Le concept de robotaxi prend naissance en 2009 lorsque Google lance secrètement son projet Chauffeur qui deviendra Waymo. A l’époque, le géant de la tech équipait des Toyota Prius de premiers systèmes autonomes. En 2014, Uber rejoint la course avec son Advanced Technologies Group, tandis que Tesla introduit son Autopilot. La période culmine en 2016 avec les premiers tests sans conducteur de sécurité par nuTonomy à Singapour. Le Waymo atteint 4 millions de km parcourus en toute autonomie. Durant ces années, les technologies clés comme le lidar et les algorithmes de perception se standardisent.
Les défis et tragédies (2017-2020)
La seconde période de l’évolution du robotaxi est marquée par le premier accident mortel d’Uber en Arizona en 2018. Cet incident force l’industrie à revoir ses protocoles de sécurité. Pourtant, en 2020, Waymo franchit un cap important grâce au lancement du premier service commercial sans chauffeur de secours à Phoenix. Tesla, de son côté, teste discrètement son réseau Robotaxi avec 1 000 véhicules en mode « shadow ». Au même moment, la Chine émerge comme acteur clé avec les premiers tests à grande échelle de Baidu à Pékin.
L’expansion commerciale (2021-2023)
Les années 2021-2023 voient l’industrie passer aux applications pratiques. Cruise (GM) obtient en 2022 l’autorisation pour des services payants 24/7 à San Francisco, malgré des dysfonctionnements notoires. Un an plus tard, Tesla dévoile son prototype révolutionnaire sans volant ni pédales, tandis que la Chine autorise Baidu à déployer 200 Apollo RT6. Durant cette période, les régulateurs mondiaux commencent à établir des cadres légaux, avec l’Europe adoptant le standard UN-R157.
L’heure du déploiement massif
Actuellement, Waymo a déjà dépasse le cap symbolique des 20 millions de km autonomes. L’industrie se structure autour de deux approches : les solutions multi-capteurs (Waymo, Cruise) et la vision pure par caméras (Tesla). D’ailleurs, le patron de la firme, Elon Musk annonnce le déploiement massif de sa flotte de robotaxis. Sur le plan juridique, une quinzaine de métropoles mondiales autorisent désormais les services commerciaux des voitures autonomes. Les derniers défis concernent l’intégration urbaine et la standardisation internationale. Il reste alors à régler les questions persistantes sur la cybersécurité et les performances par mauvais temps.
Qui sont les acteurs clés de ce segment ?
Waymo consolide sa position de leader mondial
Fin 2024, Waymo affirme sa domination avec une flotte de plus de 2 500 véhicules autonomes opérationnels aux États-Unis. La société a franchi un cap significatif en déployant ses services dans le centre-ville complexe de Los Angeles début 2025. C’est le frit après d’années de cartographie minutieuse. Ses nouveaux modèles Zeekr 001, né d’un partenariat avec le constructeur chinois Geely, intègrent une cinquième génération de technologie autonome. Ce système sophistiqué combine pas moins de six lidars haute résolution, vingt-neuf caméras haute définition et des radars à onde millimétrique.
La force de Waymo se trouve dans son approche méthodique. Chaque jour, ses algorithmes s’entraînent sur plus d’un demi-million de scénarios virtuels. L’intelligence artificielle développé par Google reproduit les situations de conduite les plus complexes. La société californienne a récemment publié des statistiques impressionnantes. Sa voiture autonome totalise que moins d’une intervention humaine tous les 25 000 kilomètres parcourus dans des conditions réelles.
Tesla accélère le développement de son Cybercab
Elon Musk a personnellement dévoilé le prototype du Cybercab lors d’un événement médiatisé en octobre 2024. Ce véhicule révolutionnaire, dépourvu de volant et de pédales, repose entièrement sur la dernière version du système Full Self-Driving (v12). Les premiers tests publics ont débuté à Austin. Une flotte de 200 prototypes accumule des kilomètres dans des conditions réelles.
La stratégie de Tesla diffère radicalement de celle de ses concurrents. Plutôt que de s’appuyer sur des lidars coûteux, la firme mise sur un réseau de huit caméras haute résolution couplées à un supercalculateur embarqué. Cette approche minimaliste permettrait, selon Tesla, de réduire considérablement les coûts de production. Les régulateurs européens restent toutefois sceptiques et exigent des tests supplémentaires avant d’autoriser la commercialisation sur le Vieux Continent. Pour l’heure : les ventes des modèles électriques Tesla semblent être en chute libre.
Les constructeurs traditionnels contre-attaquent
General Motors, par l’intermédiaire de sa filiale Cruise, a repris du service en 2025 après une suspension temporaire de ses activités. La nouvelle flotte circule désormais dans les rues de Houston. Elle se compose exclusivement de véhicules Origin spécialement conçus pour le transport autonome. Ces modèles intègrent un système de sécurité redondant avec pas moins de quarante capteurs différents.
Amazon, via sa filiale Zoox, poursuit le développement de son concept unique de véhicule bi-directionnel. Ce prototype novateur, testé depuis 2024 dans les rues de Las Vegas, peut se déplacer indifféremment dans les deux sens. Il élimine ainsi la nécessité de faire demi-tour. Ford et Volkswagen, quant à eux, ont choisi de mutualiser leurs efforts via la coentreprise Argo AI, qui prévoit un lancement commercial pour 2026.
L’essor impressionnant des acteurs chinois
Le marché chinois connaît une croissance exponentielle grâce au soutien actif des autorités locales. Baidu Apollo, leader incontesté, opère désormais plus de 600 robotaxis dans les rues de Pékin et Wuhan. Ces véhicules, basés sur le modèle RT6, bénéficient d’une infrastructure dédiée avec des voies spéciales et des feux de signalisation connectés.
Pony.ai, un autre acteur clé, a levé plus de un milliard de dollars en 2024 pour accélérer son expansion internationale. La société teste actuellement ses véhicules à Tokyo en partenariat avec Toyota. Plus surprenant, le constructeur traditionnel Geely a récemment annoncé le lancement de sa propre flotte de robotaxis à Hangzhou, qui capitalise sur son expertise en matière de véhicules électriques. Ces développements rapides positionnent la Chine comme le laboratoire mondial de la mobilité autonome.
Régulations et cadre légal
L’essor des robotaxis s’accompagne d’un besoin croissant de régulation pour assurer leur sécurité et leur intégration harmonieuse dans le trafic urbain. Les législations varient considérablement d’un pays à l’autre : certains, comme les États-Unis, autorisent des tests extensifs sous conditions, tandis que d’autres, en Europe ou en Asie, imposent des restrictions plus strictes. Les autorités exigent généralement des certifications rigoureuses, des audits techniques réguliers et des garanties en matière de cybersécurité avant d’autoriser une commercialisation à grande échelle.
Les questions de responsabilité en cas d’accident restent également un sujet épineux. Faut-il blâmer le constructeur, le développeur du logiciel, ou l’utilisateur final ? Les assureurs et les législateurs travaillent sur des cadres juridiques adaptés, mais des clarifications seront nécessaires pour rassurer le public.
Avantages vs. risques : bilan plutôt positif
Parmi les bénéfices les plus souvent cités, on trouve la réduction des embouteillages grâce à une gestion optimisée du trafic. Les robotaxis pourraient également diminuer drastiquement le nombre d’accidents, puisque la majorité des collisions sont aujourd’hui causées par des erreurs humaines. Sur le plan environnemental, leur adoption massive favoriserait une transition vers des motorisations 100 % électriques. Le robotaxi réduit ainsi les émissions de CO₂ dans les centres-villes.
Des inquiétudes subsistent cependant, surtout concernant la fiabilité des systèmes face à des situations imprévues, comme des conditions météorologiques extrêmes ou des comportements routiers atypiques. Par ailleurs, l’impact social ne doit pas être négligé : la disparition potentielle de millions d’emplois liés aux taxis et aux livraisons pourrait provoquer des tensions économiques. Enfin, la cybersécurité représente un enjeu important, car des véhicules connectés pourraient être vulnérables aux piratages.
Quelles villes accueillent les premiers robotaxis ?
D’ici 2030, les robotaxis devraient s’imposer comme une solution de transport importante dans les grandes métropoles, avec des déploiements massifs particulièrement visibles dans certaines villes pionnières. Dubaï se positionne comme leader mondial avec un plan ambitieux visant à convertir 30% de ses trajets urbains en mobilité autonome dès 2026. La municipalité a noué des partenariats stratégiques avec Cruise et WeRide pour adapter les technologies aux conditions climatiques locales, tout en équipant l’emblématique avenue Sheikh Zayed d’infrastructures dédiées.
Singapour, précurseur historique depuis ses premiers tests en 2016, poursuit sa mutation vers la ville « zéro conducteur ». Le gouvernement singapourien a engagé 150 millions de dollars singapouriens pour déployer 12 000 véhicules autonomes, essentiellement des Hyundai-Motional d’ici 2028. Ce déploiement s’accompagne d’une modernisation complète du réseau routier, avec des feux intelligents communicants et des stations de recharge automatisées.
Aux États-Unis, si Phoenix et San Francisco restent les terrains de jeu privilégiés de Waymo et Zoox, c’est Miami qui émerge comme nouveau pôle d’innovation. La ville floridienne prépare en effet l’arrivée de 8 000 robotaxis Cruise destinés à couvrir l’ensemble du comté de Dade. Cela inclut des services de traversée autonome entre Miami Beach et le centre-ville.
En Europe, Paris et Barcelone mènent la danse avec des projets respectifs de 5 000 robotaxis Renault-Nissan et une flotte 100% électrique développée par SEAT-Volkswagen. Berlin suit cette dynamique à travers un partenariat public-privé ambitieux associant Mercedes et Bosch.
Enfin, la Chine affiche des ambitions sans précédent avec des déploiements massifs prévus dans ses mégapoles. Péjan prévoit 20 000 unités Baidu Apollo, Shanghai table sur 15 000 véhicules Didi Autonomous, tandis que Shenzhen mise sur 10 000 robotaxis Pony.ai. Ces villes développent des quartiers entiers spécialement conçus pour la mobilité autonome, qui intègrent des routes à induction pour la recharge dynamique, une signalisation communicante et des trottoirs intelligents.
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