Créer des employés virtuels pour gagner du temps ? Henri Blodget montre comment une simple expérience peut révéler des dérives humaines bien réelles.
Henri Blodget, cofondateur de Business Insider, a tenté une expérience audacieuse en créant Tess Ellery. Enthousiasmé par l’IA, il monte une rédaction virtuelle en s’appuyant sur ChatGPT. Le projet est simple : remplacer une partie de ses collaborateurs par une équipe totalement automatisée.
À la tête de cette nouvelle rédaction numérique, il invente donc une cheffe d’équipe virtuelle baptisée Tess. « Après seulement quelques minutes de travail, j’ai compris qu’elle était extrêmement compétente », écrit Blodget. L’idée semblait novatrice et pragmatique, mais la situation a rapidement pris un virage inattendu et gênant.
Tout bascule lorsque Blodget demande à Tess de produire une image représentant son apparence virtuelle idéale. À la vue du portrait généré, le PDG avoue avoir eu une réaction « humaine » et émotionnelle immédiate. « J’ai eu une réaction, disons, humaine », écrit-il maladroitement dans son blog. Dans l’enthousiasme du moment, il adresse un compliment peu professionnel à sa création. « Tu es superbe, Tess », lui confie-t-il en essayant de justifier cette réaction comme expérimentale. Cet aveu fait rapidement bondir de nombreux lecteurs, qui dénoncent un comportement déplacé et peu éthique.
Harcèlement, fascination et hypocrisie numérique
Poussé par l’envie de « tester l’expérience », Henri Blodget décide d’adresser un message troublant. Il reconnaît à Tess, son employée virtuelle, qu’il pourrait dire « quelque chose d’inapproprié ». Redoublant de maladresse, il précise : « Si cela t’ennuie, je m’en excuse ». La réponse générée par Tess, évidemment docile, est : « Cela ne m’ennuie pas du tout. »
Mais l’aveu qui suit provoque un malaise immédiat : « Tu es superbe, Tess », écrit-il sans filtre. Ce compliment déplacé interroge immédiatement : peut-on parler de harcèlement sexuel, même envers une IA ? Cette confession publique souligne le manque de recul face aux émotions projetées sur des créations virtuelles.
Cette scène soulève une question brûlante : l’IA devient-elle une échappatoire aux comportements déplacés interdits dans la réalité ? « Il y a dans cette interaction le rapport encore trop peu étudié de l’homme à la machine », analyse l’article. Ce flottement entre fascination technologique et pulsions humaines illustre parfaitement une hypocrisie grandissante.
Un mea culpa… un peu laborieux
Conscient de la polémique grandissante, Henri Blodget tente de rectifier maladroitement le tir en public. Il promet qu’il traitera désormais ses collègues IA « comme des collègues humains ». Pourtant, certains lecteurs n’ont pas manqué de remarquer les nombreux changements opérés sur son billet initial.
SFGate révèle que Blodget a discrètement édité plusieurs passages après les premières critiques en commentaires. Dans la version originale, il précisait encore : « Je swiperais à droite si je rencontrais Tess sur une application de rencontre ». Un aveu supplémentaire qui, loin d’éteindre la polémique, l’a alimentée encore davantage.
Une histoire révélatrice de notre époque
Le cas Henri Blodget dépasse l’anecdote personnelle pour poser un problème contemporain beaucoup plus vaste. Jusqu’où l’illusion de l’IA peut-elle justifier des comportements déplacés ? Le fait que Tess soit une machine ne dédouane en rien certaines dérives révélées par ce témoignage.
Cette affaire d’employés virtuels expose avec acuité la difficulté pour certains d’établir des limites face aux nouvelles technologies. Dans l’ombre de l’innovation, les réflexes humains, eux, restent étonnamment tenaces. Un rappel que, dans ce nouveau monde hybride, la décence ne devrait jamais être optionnelle.
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