Face à la décision du gouvernement français de confier l’hébergement du Health Data Hub à Microsoft, une plainte vient d’être déposée devant le Conseil d’État. Une quinzaine d’organisations et de professionnels du secteur s’unissent pour faire front contre le projet.
Initialement lancé en mai 2019 par le gouvernement, le projet Health Data Hub est une plateforme conçue pour regrouper toutes les données de santé des Français de manière centralisée.
Une initiative louable, en théorie, puisqu’elle permettra aux chercheurs d’accéder aux données fournies par les hôpitaux ou l’Assurance maladie. Ces ressources leur permettront de développer des modèles d’intelligence artificielle capables de prédire les maladies, de renforcer la précision des diagnostics, ou encore de découvrir de nouveaux médicaments.
Bien évidemment, compte tenu du caractère sensible et intime des données de santé, des inquiétudes légitimes émergent quant à la confidentialité. Toutefois, les données sont chiffrées et anonymisées.
De plus, l’accès à ces informations est régi par la loi Informatique et Libertés et contrôlé par la CNIL. A priori, il n’y a donc pas à craindre d’accès intrusif ou de fuite des données.
Cependant, en choisissant le Cloud du géant américain Microsoft pour héberger ces données, le gouvernement a semé la discorde. Plusieurs entreprises et organisations viennent de déposer un référé-liberté en Conseil d’Etat pour protester.
Comme le soulignait le célèbre lanceur d’alerte Edward Snowden fin mai 2020, le choix d’un hébergeur américain fait du Health Data Hub une menace pour la vie privée. Pour cause, la loi américaine Cloud Act autorise la justice des États-Unis à accéder sur demande aux données stockées par des hébergeurs américains, et ce n’importe où dans le monde…
Même si le RGPD prémunit les pays d’Europe contre cette loi en interdisant le transfert de données vers des pays extérieurs à l’UE, le choix du gouvernement inquiète et suscite la polémique.
Données de santé : le gouvernement appelé à choisir un hébergeur français

Ainsi, le secrétaire d’État au numérique a récemment été interpellé à ce sujet par la sénatrice Catherine Morin-Desaillly. De même, le PDG du géant français du cloud OVH, Octave Klaba, a critiqué ouvertement cette décision sur Twitter en reprochant à l’État d’avoir » peur de faire confiance aux Français » et de se laisse influencer par » le lobbying de la religion Microsoft « .
Et donc suite aux échanges de ce wk, j’ai eu un call de 1h20 avec @stephaniecomb @stephmessika et l’invité surprise @Guy_mm
Je pense qu’il était nécessaire de prendre ce temps pour clarifier tous les malentendus et tous les non-dits.
Qq remarques: https://t.co/IWjNsezo83
— Octave Klaba (@olesovhcom) June 1, 2020
Face à ces accusations, le gouvernement se défend en rappelant que le contrat a été signé en 2019. Or, à cette époque, OVH ne disposait pas de la certification HDS (hébergeur de données de santé) obligatoire pour stocker de telles données.
C’est la raison pour laquelle Microsoft a été sélectionnée, afin de ne pas perdre de temps. Néanmoins, la directrice du Health Data Hub, Stéphanie Combes, précise que le contrat n’est pas définitif. Si les conditions sont remplies, il est possible qu’OVH ou d’autres acteurs français comme Scaleway et Hotscale soient appelés à rejoindre le projet.
Pour l’heure, toutefois, ces entreprises françaises n’ont pas été sollicitées par le gouvernement et une plainte est déposée devant le Conseil d’État par une quinzaine d’organisations et de personnalités. Ce référé-liberté vise à s’opposer au déploiement du Health Data Hub.
Parmi les plaignants, on compte le collectif de professionnels de la santé et de l’informatique médicale InterHop, l’ancien président du Comité national consultatif d’éthique Didier Sicard, le professeur Bernard Fallery, le Syndicat national des journalistes, le Syndicat de la médecin générale, ou encore l’Union française pour une médecine libre. Le Conseil d’État rendra son verdict ce 11 juin 2020…
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