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Comment la France va bloquer l’accès au porno ? Tout savoir sur le double-anonymat

Afin d'empêcher les mineurs d'accéder aux sites pornographiques, la France va déployer une stratégie de vérification de l'âge. Découvrez tout ce que vous devez savoir, y compris les conséquences pour les utilisateurs majeurs.

L'internet apporte d'innombrables avantages, mais crée aussi de nouvelles problématiques auxquelles nos aïeux n'étaient pas confrontés. L'un de ces soucis est l'exposition des mineurs à la pornographie.

Ce phénomène est particulièrement marqué en France. En février 2021, Cédric O, alors secrétaire d'État en charge du numérique, révélait que près d'un enfant sur trois a été déjà été exposé à la pornographie à l'âge de 12 ans.

Jadis, il pouvait arriver qu'un mineur tombe par hasard sur une revue pour adulte en farfouillant dans les placards. Mais à l'ère d'internet, des images toujours plus extrêmes et choquantes les attendent au détour de chaque site web…

Selon Statista, il existe près de 2 milliards de sites web et 4% d'entre eux comportent du contenu pornographique. Ceci représente environ 75 millions de sites X, sans même tenir compte du Deep Web. À cela s'ajoutent les réseaux sociaux et applications de messagerie sur lesquels s'échangent allègrement les images.

Il est strictement interdit par le Code pénal de montrer ce type de contenu à des mineurs, qui peuvent être traumatisés et marqués à vie par une représentation faussée de la sexualité.

Bien souvent, les films X mettent en scène des pratiques violentes et dégradantes envers les femmes. Les jeunes gens visionnant ces vidéos peuvent être incités à reproduire les mêmes comportements dans le monde réel.

Selon l'association Ennocence, une exposition très précoce à la pornographie peut entraîner des troubles psychiques, une perte de la libido ou encore des troubles de l'érection. Face à ces dangers, la France a enfin décidé d'agir en renforçant le contrôle de l'âge des internautes à l'entrée des sites pour adulte.

Une idée de longue date

Voilà bien longtemps que la France cherche à mieux contrôler l'accès aux sites pornographiques. Cette idée avait déjà évoquée pendant le mandat de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 par une députée de la majorité.

Elle avait aussi été rejetée par le gouvernement Hollande, et abordée lors des deux mandats d'Emmanuel Macron. Même si le problème de l'exposition des mineurs au porno remonte aux débuts d'internet, il a pris une nouvelle ampleur avec l'essor des réseaux sociaux, du haut débit et de la téléphonie mobile.

Désormais, les adolescents accèdent très facilement au web sans aucune supervision. De nombreux logiciels de contrôle parental ont vu le jour, mais ne sont pas suffisants.

C'est en 2019 qu'Emmanuel Macron a annoncé son intention de mieux protéger les mineurs de la pornographie, lors d'une prise de parole à la tribune de l'UNESCO. Depuis cette date, le gouvernement cherche la solution idéale.

Comment les sites X vont vérifier l'âge des internautes ?

Plusieurs pistes sont envisagées pour permettre aux sites porno de vérifier l'âge des internautes. La CNIL estime malheureusement qu'il n'existe pas de solution parfaite.

Il pourrait par exemple devenir obligatoire d'utiliser une carte bancaire pour se connecter, comme sur la plateforme OnlyFans. Pour l'heure, l'option la plus crédible serait la mise en place d'une application mobile permettant de certifier sa majorité auprès des sites partenaires tout en restant anonyme.

Elle servira à transmettre les données dans les deux sens sans dévoiler d'informations personnelles. Le service fournira la preuve de l'âge, mais ne saura pas pour quel site web elle va être utilisée.

De son côté, le site porno recevra l'attestation de majorité sans découvrir l'identité de l'internaute. L'application est attendue pour septembre 2023, mais un premier va avoir lieu au mois de mars.

Ce système est ingénieux, mais comporte des risques inexorables en cas de fuite de données accidentelle, de piratage ou de dysfonctionnement. Est-ce le prix à payer pour protéger les mineurs ?

Une application mobile pour prouver sa majorité

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Depuis le mois de mai 2022, le gouvernement travaille sur le projet d'une application mobile pour attester sa majorité sans dévoiler son identité au site pornographique que l'on souhaite visiter.

Elle servira d'intermédiaire pour éviter un point de contact direct. Après avoir téléchargé et installé cette appli, l'internaute pourra établir une liaison chaque fois qu'il visite un site pornographique compatible.

Dès lors, le site X transmettra un signal ou un document à l'application sans préciser sans origine pour préserver la confidentialité de l'usager. Ce dernier devra alors faire signer l'attestation de majorité par l'un des prestataires listés dans l'application, par exemple son opérateur.

Toutefois, le prestataire ne sait pas pour quel usage l'attestation va servir. Il ne restera plus à l'internaute qu'à transmettre l'attestation de majorité au site web. Là encore, la plateforme ne pourra pas savoir quel organisme l'a signé et qui est la personne.

Sa majorité étant confirmée, l'internaute pourra accéder au site web. Après un test en mars 2023, cette application pourrait être lancée en septembre 2023 et deviendra obligatoire pour se rendre sur un site porno.

Qu'est-ce que le double anonymat ?

Le principe du double anonymat implique que le prestataire certifiant la majorité d'un internaute ne sache pas quel usage est fait de l'attestation, et que le site X ne sache pas qui a émis le document et quelle est l'identité de l'utilisateur.

La CNIL s'est déclarée satisfaite par cette option conforme à ses recommandations. Le test prévu pour mars 2023 va permettre d'identifier les éventuels points faibles de ce mécanisme.

Par la suite, ce système pourrait aussi être étendu à d'autres services pour adultes comme les jeux d'argent ou la vente d'alcool. Ceci évitera aussi que le prestataire puisse compter le nombre de fois que l'internaute se rend sur un site porno…

Aux côtés de l'Arcom et du gouvernement, la CNIL va veiller à la conformité de cette solution avec le RGPD. Si les premiers tests sont concluants, elle préconise une généralisation du système pour septembre 2023.

La France peut-elle vraiment bloquer les sites porno ?

Les sites web pornographiques vont devoir contrôler davantage l'âge des internautes tentant d'y accéder. Les plateformes ne respectant pas cette règle seront tout simplement bloqués.

Cette nouvelle politique repose sur deux mesures. La première sera de forcer les sites à modifier la façon dont ils contrôlent l'âge, la seconde d'obliger les fournisseurs d'accès internet à bloquer un site suite à une décision de justice. Afin d'autoriser la saisie des tribunaux, la loi a été mise à jour.

Toutefois, dans la pratique, il est très difficile de bloquer un site pornographique. Même si un FAI bloque l'accès, rien n'empêche de changer ses DNS ou d'utiliser un VPN pour contourner l'interdiction en simulant une connexion depuis l'étranger. De plus, il existe des millions de sites web et contrôler leur conformité légale est un vrai travail de fourmi.

Même si les mineurs ne peuvent plus accéder aux sites web, ils risquent de continuer à se partager des contenus via Snapchat, Instagram, ou même Reddit.

En mai 2022, les associations COFRADE (Conseil Français des Associations pour les Droits de l'Enfant) et OPEN (Observatoire de la Parentalité et de l'Education Numérique) ont signé une tribune accusant Twitter d'enfreindre la législation et appelant à la suspension temporaire du réseau social. C'est donc un véritable défi qui attend les pouvoirs publics

Qui est impliqué dans ce projet ?

Plusieurs acteurs sont impliqués dans ce projet. On peut notamment citer la secrétaire d'État en charge de l'Enfance Charlotte Caubel, le ministre délégué pour la transition numérique et les télécommunications Jean-Noël Barrot, mais aussi la Première ministre Élisabeth Borne et le président Emmanuel Macron.

L'Arcom participe également, au même titre que la CNIL pour les problématiques de protection de la vie privée et de la confidentialité. En outre, plusieurs sociétés spécialisées dans le numérique sont chargées de mettre au point l'application mobile de vérification d'âge. Leur identité n'a pas été révélée.

Les opérateurs français Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free pourraient aussi être mêlés à ce système de contrôle de l'âge. En effet, ces entreprises sont en mesure de savoir si leurs clients sont mineurs ou majeurs.

La reconnaissance faciale : une solution validée par la CNIL

En guise d'alternative à l'usage d'une application tierce, la CNIL approuve l'utilisation de la reconnaissance faciale pour la vérification de l'âge des visiteurs de sites porno.

Interrogée par le Figaro, la présidente Marie-Laure Denis explique que l'utilisateur pourrait présenter son visage devant la webcam et laisser une IA estimer son âge en analysant ses traits.

Toutefois, cette solution ne pourrait être adoptée que si la protection des données personnelles est garantie. Dans le cas contraire, une fuite de la photo de l'internaute pourrait avoir de lourdes conséquences…

Comme le souligne la CNIL, un système d'analyse faciale est différent d'un dispositif de reconnaissance. Il n'est pas question d'identifier l'internaute, mais simplement d'estimer son âge.

En parallèle, l'autorité valide aussi l'utilisation de la carte bancaire avec une transaction à zéro euro. Comme l'explique la présidente, « ces solutions auront certes du mal à distinguer une personne de 17 ans et une autre de 19 ans, mais elles peuvent distinguer un enfant de 13 ans d'un adulte de 20 ans ».

À quelle date ces nouvelles règles seront appliquées ?

Suite à l'actualisation de la loi en 2020, le Code pénal oblige les sites porno à vérifier l'âge des internautes de façon plus stricte. Jusqu'alors, il suffisait de confirmer sa majorité en cliquant sur un bouton en page d'accueil.

Un système de vérification totalement inutile, puisque n'importe qui pouvait prétendre être majeur. Désormais, l'article 227-24 du Code pénal oblige ces plateformes à contrôler rigoureusement.

Toutefois, la loi n'indique pas comment procéder. Les sites web doivent se débrouiller, et la plupart d'entre eux n'ont fait aucun effort depuis la mise en place de cette nouvelle règle.

Trois ans plus tard, un système de « double-anonymat » reposant sur une application mobile va enfin être testé en mars 2023. L'obligation du contrôle de l'âge et le blocage des sites ne l'appliquant pas pourraient donc entrer en vigueur dès cette année, en septembre 2023 plus précisément.

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