Suite aux cyberattaques menées contre ses infrastructures, la Russie menace l’Occident d’un « conflit militaire direct ». Faut-il prendre au sérieux ces avertissements ?
Le directeur de la sécurité internationale au sein du ministère russe des Affaires étrangères vient de menacer l’Occident ce jeudi 9 juin 2022 suite aux cyberattaques menées contre l’infrastructure de Russie.
Dans son communiqué, il promet des représailles en cas de poursuite de ces assauts. Selon lui, un « conflit militaire direct » pourrait survenir : « La militarisation de l’espace informatique par l’Occident et les tentatives de le transformer en une arène de confrontation internationale, ont fortement augmenté le risque d’un conflit militaire direct aux conséquences imprévisibles ».
Au cours du weekend passé, le ministère de l’immobilier russe a été piraté. Le trafic a été redirigé vers une page affichant le message « Gloire à l’Ukraine ».
La Russie accuse l’OTAN de militariser l’informatique
Lundi 6 juin 2022, le principal expert en cybersécurité du ministère russe de l’étranger, Andrei Krutskikh, a déclaré au journal russe Kommersant que les États-Unis ont « déchainé une cyberagression contre la Russie et ses alliés ».
Selon lui, les États-Unis exploitent l’armée de hackers du président ukrainien Volodymyr Zelensky pour « mener des attaques informatiques contre notre pays comme un bélier ».
Il a également précisé à Kommersant que si les États-Unis poussaient la Russie à riposter, le résultat « pourrait être catastrophique, car il n’y aura pas de gagnant dans un conflit direct entre les Etats ».
Ses réflexions semblent être une réponse au directeur de la Cyber Command and National Security Agency : le général Paul Nakasone. Ce dernier a récemment confirmé des opérations cyberoffensives menées contre la Russie, tout en insistant sur le fait que ces assauts n’ont pas enfreint la promesse de Joe Biden de ne pas attaquer la Russie militairement.
Dans son message publié le 9 juin, le ministère de l’étranger blâme les États-Unis et l’Ukraine pour ces attaques menées contre son infrastructure essentielle.
Il affirme par ailleurs que « la Russie ne laissera pas d’actions agressives sans réponse ». Selon lui, « tous nos pas seront mesurés, ciblés en accord avec notre législation et la loi internationale ».
Des menaces peu crédibles
Ces menaces sont inquiétantes, mais certains experts estiment qu’elles ne sont que peu crédibles. Il s’agirait davantage d’une tentative d’intimidation.
Selon James Lewis, directeur du programme de technologies stratégiques au Center for Strategic and International Studies, « les menaces font juste partie du vocabulaire diplomatique russe. Ils en font tout le temps et vous ne pouvez pas les prendre trop sérieusement ».
Comme il le rappelle, « ils ont menacé d’une guerre nucléaire, ils ont menacé d’une guerre avec l’OTAN, ils ont menacé d’une invasion de la Pologne ». Ces menaces n’ont effectivement jamais été mises à exécution.
Toujours selon James Lewis, il est logique que la Russie intensifie son langage menaçant, car elle n’a pas gagné la guerre contre l’Ukraine aussi rapidement que certains l’attendaient. Il estime qu’il est probable que les Russes sentent « qu’ils doivent escalader les menaces, car les gens ne sont plus vraiment effrayés par la Russie comme ils l’étaient, disons, il y a trois mois ».
Cyberattaque ou cyberdéfense ?
Selon Samuel Bendett, expert en Russie au Center for Naval Analyses, la Russie se perçoit dans une position de défense face aux attaques de l’Occident.
Lui non plus ne prend pas les menaces très au sérieux : « chaque année, le ministère de la défense et d’autres entreprises gouvernementales clés font une sorte de présentation sur la façon dont la Russie est battue dans le domaine cyber et constamment sous attaque. Ils ne se voient pas comme des assaillants ».
Cet expert explique que cette tendance fait partie d’une posture russe plus globale. Auparavant, la Russie avait déjà justifié l’invasion de l’Ukraine comme une opération défensive et de « dénazification » du pays. Selon Vladimir Poutine, l’OTAN avait l’intention d’installer des missiles près de Moscou.
Comme l’explique Bendett, « la Russie parle de cyberattaques en termes défensifs. Elle n’est pas celle qui attaque des pays aléatoirement, elle se défend en fait contre des attaques plus larges, plus puissantes et plus coordonnées ».
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