Les autorités américaines ordonnent secrètement à Google de fournir des données sur tout internaute recherchant certains mots-clés spécifiques. Une pratique jugée injuste et dangereuse par les défenseurs de la vie privée…
Sommes-nous vraiment libres et anonymes sur internet ? Pas totalement, selon des documents accidentellement dévoilés par la justice américaine et obtenus par le magazine Forbes.
Les documents en question révèlent que le gouvernement américain ordonne secrètement à Google et aux autres moteurs à pister et à fournir des données sur quiconque recherche certains termes sur le web. Les autorités utilisent des » mandats de mots-clés » pour obliger le géant californien à collaborer.
Jusqu’à présent, seuls deux mandats de ce type avaient été rendus publics. Les documents obtenus par Fobes prouvent que ces requêtes ont été émises bien plus fréquemment.
Le mandat divulgué est extrait d’une enquête fédérale menée en 2019 dans le Wisconsin. Les inspecteurs cherchaient alors des hommes ayant pris part à divers trafics et ayant abusé sexuellement d’une mineure.
Afin de pister les suspects, les autorités ont ordonné à Google de fournir des informations telles que les noms de comptes, les adresses IP ou les Cookies ID de tout utilisateur ayant cherché le nom de la victime, le nom de sa mère ou son nom adresse au cours de 16 jours spécifiques de l’année.
Les données ont été délivrées par Google au milieu des années 2020. Toutefois, le document ne révèle pas combien d’internautes ont été concernés par cette demande des inspecteurs fédéraux.
Ce mandat était supposé rester secret. En réalité, le Département de Justice n’a pris connaissance de sa fuite qu’après avoir été contacté pour commenter l’incident. L’enquête est toujours en cours, et le document a été de nouveau scellé.
Google fournit les noms de comptes et adresses IP des internautes sur demande de la police
Avant cette fuite, seuls deux » mandats de mots-clés » étaient publiquement connus. Le premier date de 2017, et avait été émis par un juge du Minnesota demandant à Google de fournir des données sur tout utilisateur basé dans la ville d’Edina ayant cherché le nom d’une victime de fraude.
Le second a été dévoilé en 2020, et concernait tout internaute ayant cherché l’adresse d’une victime d’incendie criminel. La victime en question était aussi témoin dans l’affaire R. Kelly.
En menant ses recherches, Forbes a identifié un troisième mandat émis dans le Northern District de Californie en décembre 2020. Ce document est encore scellé, et seule une note du tribunal est rendue publique.
On ignore la nature exacte des informations demandées via ce mandat, portant le titre » application par les États-Unis d’un mandat de recherche pour les comptes Google Associés à six termes de recherche et quatre dates de recherche « .
Suite à la publication de Forbes, trois autres mandats de mots-clés ont été mis en lumière. Ils ont été utilisés dans le cadre de l’enquête sur les attentats d’Austin en 2018.
À travers ces mandats, les autorités ordonnaient aux moteurs de recherche Google, Microsoft et Yahoo de fournir des informations sur les utilisateurs ayant cherché différentes adresses et termes liés aux bombes et autres explosifs. On ignore quel volume de données les GAFAM ont fourni aux enquêteurs.
Les » mandats de mots-clés » menacent la vie privée d’innocents, selon les défenseurs de la confidentialité
Suite à ces révélations, plusieurs experts en confidentialité s’indignent. Ces défenseurs de la vie privée craignent que des internautes innocents soient pris à parti dans des enquêtes criminelles.
Selon Jennifer Granick de l’American Civil Liberties Union, ces mandats vont à l’encontre du Premier Amendement des États-Unis : » explorer les bases de données d’historique de recherche de Google permet à la police d’identifier des personnes en se basant seulement sur des choses auxquelles ils ont pu penser, pour n’importe quelle raison, à un moment dans le passé. Il s’agit d’une intrusion virtuelle dans les centres d’intérêt, croyances, opinions et relations du public, comparable à une lecture dans les pensées rendue possible par la machine à remonter le temps de Google « .
À ses yeux » cette technique inédite menace les intérêts du Premier Amendement et compromettra inévitablement des personnes innocentes, en particulier si les termes de recherche ne sont pas uniques et que le cadre temporel n’est pas précis. Pire encore, la police agit en secret, ce qui dissimule ses pratiques au regard du débat et de la règlementation publique « .
De son côté, Google admet collaborer avec les autorités : » comme pour toute requête des autorités, nous avons un processus rigoureux conçu pour protéger la vie privée des utilisateurs tout en soutenant le travail important de la police et de la justice « .
A priori, rien n’indique que les autorités françaises adoptent les mêmes pratiques que la police américaine. Toutefois, il est tout à fait possible que de telles requêtes soient émises dans le plus grand des secrets…
Nous vous recommandons donc de réfléchir à deux fois avant de rechercher n’importe quoi sur Google, si vous ne voulez pas que le FBI vienne taper à votre porte. Consultez nos astuces pour naviguer sur Google en tout anonymat, et notre liste des meilleurs VPN.
https://youtu.be/IiVBAoDqLC8
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