Du 8 au 10 février 2024, le World AI Cannes Festival a attiré des milliers de visiteurs au Palais des Congrès. Suite à cette troisième édition couronnée de succès, LeBigData vous propose de revenir sur cet événement incontournable à travers une interview de Jade Berre, la responsable des conférences !
LeBigData.fr : Pouvez-vous revenir sur l’historique de l’événement ? Et pourquoi avoir choisi la ville de Cannes ?
Jade BERRE : Historiquement, la première édition de notre salon date du 14 avril 2022. A l’époque, le choix de la ville de Cannes était propice à ancrer celui-ci dans un espace stratégique, à proximité de Sophia Antipolis, réputée pour être une technopole européenne. Ceci permettait également d’inscrire l’évènement dans la continuité de la création de la maison de l’intelligence artificielle, opérée quatre ans auparavant en 2018, ainsi qu’en adéquation avec l’énonciation de la stratégie nationale française autour de l’IA.
Cette année, nous avons célébré la troisième édition de l’évènement, du 8 au 10 février 2024.
Caractérisée par une forte effervescence, cette édition a consacré 36% de visiteurs professionnels en plus, par rapport à 2023, soit 8000 au total.
Par ailleurs, la journée BTC a vu son nombre de visiteurs grand public augmenter de 35% pour atteindre 5000.
Comment expliquez-vous cette hausse massive du nombre de visiteurs ?
D’une part, cette hausse peut s’expliquer par un développement du salon dans un contexte d’essor des débats autour de l’émergence de l’intelligence artificielle matérialisée par l’AI Act (réglementation adoptée par l’UE autour de l’IA) depuis décembre 2023. D’autre part, le développement des IA Génératives a aussi favorisé une pléthore de cas d’usage qui ont intensifié l’intérêt et la démocratisation de la connaissance à l’égard de l’IA. Enfin, la venue de Bruno Le Maire et Marina Ferrari pour la première fois, à notre évènement, attestent également d’un intérêt manifeste vis-à-vis du potentiel de développement de l’IA, ainsi que les enjeux de souveraineté.
Comment le festival en lui-même a-t-il évolué au cours des deux dernières années, et comment l’IA a-t-elle impacté cette évolution ?
Depuis le début de l’inauguration de l’évènement, il y avait une effervescence autour de l’impact et l’intérêt suscités par l’intelligence artificielle.
Aujourd’hui, le curseur est d’avantage mis sur la création de valeur, c’est-à-dire qu’il y a une forte volonté de comprendre dans quelle mesure, les cas d’usage peuvent répondre à des problématiques d’entreprise et l’impératif de concret est aussi de mise : obtention de ROI, KPI et données chiffrées.
A ce propos, dès 2018, Cédric Villani avait commencé à parler de stratégie nationale liée à l’IA, soulignant une difficulté française d’aligner avancées scientifiques et applications industrielles et économiques.
Je pense que c’est vraiment cette vision-là, qui a orienté le positionnement de notre évènement et qui explique notre attachement à privilégier la création de valeur, matérialiser le pont entre recherche et innovation dans les conférences stratégiques ou les parcours experts et expliciter pourquoi l’utilisation de telle ou telle solution technologique est un atout pour les objectifs ciblés des acteurs de notre écosystème.
D’autre part, contextualiser le développement, l’utilisation et l’encadrement de l’IA dans la sphère politique n’était pas priorisée antérieurement. Aujourd’hui et via cette édition, force est de constater que bien que l’évènement soit mondial/anglophone, l’intervention de politiciens français a aussi permis de souligner l’utilisation et le développement de l’IA comme leitmotiv dans leur agenda voire en filigrane, réaffirmer la position de la France vis à vis de cet enjeu.
Comment les intervenants sont-ils choisis ?
Pour le choix des intervenants, il y a deux logiques.
La première est de faire appel aux entreprises et organisations via un formulaire en ligne par n’importe quel professionnel relié à l’utilisation de l’IA afin d’expliquer comment l’utilisation de l’IA crée de la valeur au sein de son secteur.
Nous privilégions des acteurs innovants, des cas d’usage industrialisés, l’obtention de concret (ex. ROI) ainsi que l’expertise pour chaque proposition émise.
La deuxième voie est illustrée par la responsabilité de s’informer, via des médias prints, en ligne ou avec des podcasts. Il y a un impératif de diversification des sources d’informations et des secteurs de nos intervenants pour maximiser la satisfaction de notre audience.
Quels sont les objectifs du festival ? Ont-ils été atteints cette année ?
Pour vous répondre, je pense qu’il est intéressant de revenir sur la structure même de l’événement à savoir, deux journées dédiées au B2B, et une journée spécifique B2C qui introduisent les trois objectifs principaux de l’événement.
Premièrement, apparaître comme un écosystème mondial lié à l’IA qui fait la convergence entre divers acteurs : des directeurs, des VP, des Chief Experience Officers et des décideurs liés à l’IA par exemple.
Deuxièmement, faire de cet événement une référence en matière de cas d’usages vecteurs de création de valeur : à ce titre, les conférences stratégiques, retours d’expérience, les stands/exposants et parcours experts qui favorisent la réalisation de cette ambition.
Aussi, les conférences stratégiques adressent les problématiques et défis inhérents à l’intelligence artificielle : la durabilité, la confiance, l’éthique…
Les retours d’expérience se focalisent quant à eux sur l’impact positif et concret des cas d’usage. Tandis que les parcours experts se concentrent sur l’architecture technologique.
Troisièmement, démocratiser la compréhension et l’utilisation de l’IA via la journée B2C à destination du grand public.
Dans quelle mesure l’événement s’inscrit dans l’écosystème international autour de l’IA ?
Pour cette édition, nous avons accueilli 300 experts majoritairement issus de l’Europe (Allemagne, Italie, Suède, Danemark, Espagne, Belgique, Pays-Bas…), de France, d’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) et d’Asie (Inde et Chine). Nous avions aussi des intervenants d’Amérique Latine, du Moyen-Orient, d’Afrique du Sud et d’Australie.
Parallèlement, l’ancrage international est aussi visible via de nombreux acteurs comme : Fujitsu, Huawei ou encore Intel.
De plus, chaque année, le Cannes Neurons Awards récompense les entreprises les plus innovantes. Et pour la première fois, le VC Summit a également permis d’encourager les investissements à l’égard des entreprises les plus compétitives.
L’IA évolue très rapidement. Est-ce un défi d’organiser un tel événement tout en s’assurant que les innovations présentées ne soient pas déjà obsolètes ? Comment le relevez-vous ?
Je vous accorde que c’est un défi pour nous, sachant qu’à l’image des débats initiés vis-à-vis de la régulation de AI Act, les fondements établis aujourd’hui peuvent-être amenés à changer voire devenir obsolètes dans les mois à venir en fonction des évolutions technologiques. Suivant cette logique, il en est de même pour la programmation.
En tant que responsable de conférences, je pense qu’il ne faut pas être figé dans le temps et privilégier une démarche évolutive qui va de pair avec l’innovation technologique.
Il faut toujours rester attentif à l’actualité, être flexible et garder des créneaux libres pour de nouveaux cas d’usage émergents voire inclure une partie sur les « étapes à venir » en cas d’évolution ou de perspective différente.
Et comment l’innovation influence la programmation du festival en elle-même ?
Par exemple, le développement de la multimodalité incarnée notamment par les Large Multimodal Models (LMM) ouvre à une liberté de choix de support (textuel, vidéo ou audio) qui va donner l’occasion à de nouveaux cas d’usages d’émerger à l’image de la multitude de modèles développés (ChatGPT, Bard, Claude…).
Face à ce constat, il est aisé d’imaginer que cette diversité pourra donner naissance, dans les années à venir, à l’apparition d’un nouveau modèle qui ferait une sorte de symbiose entre tous les atouts existants de ceux-ci afin de faire table rase du manque de fiabilité, précision et mise à jour des données. Cette anticipation exercera sans aucun doute une influence sur la programmation du salon proposée.
Pensez-vous que l’IA pourrait porter préjudice à l’événement ?
Pour moi, deux possibilités pourraient mettre en péril notre événement. La première serait un retournement de l’IA contre nous, avec la naissance d’une expérience immersive intensifiée, qui apporterait autant qu’un événement présentiel avec des intervenants, à un coût moindre.
Aujourd’hui, la bataille s’effectue surtout sur la quête de cas d’usage qui créent de la valeur.
La vraie difficulté est de déterminer comment les utiliser en ce sens en ayant les compétences pour le faire.
En ce sens, la deuxième menace pourrait-être un phénomène de repli des entreprises avec une volonté de préserver leur expertise et leurs secrets de réussite, au lieu de les partager en retour d’expérience ou en conférence stratégique comme ils peuvent le faire aujourd’hui, au sein d’un événement, qui s’inscrit à l’international, malgré un ancrage géostratégique français à Cannes.
Voici des éléments dont on pourrait avoir peur selon moi, même si je suis assez optimiste, parce que je me dis qu’il apparait difficile d’avoir les atouts de l’expérience présentielle actuelle, via un ordinateur ou tout autre device.
Ne ratez pas la prochaine édition du WAICF, qui se déroulera du 13 au 15 février 2025 à Cannes !
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