Interpol peut désormais identifier la voix d’un locuteur inconnu grâce à une base de données regroupant des échantillons vocaux en provenance d’agences gouvernementales du monde entier. Un système qui inquiète le magazine The Intercept quant aux conséquences qu’il pourrait avoir sur la protection de la vie privée…
Selon le site web The Intercept, à qui l’on doit les révélations de l’affaire Snowden, Interpol a créé une base de données regroupant des échantillons de voix en provenance de 192 organismes chargés de l’application de la loi du monde entier.
La plateforme SiiP, dont le développement a débuté en 2014 avec un budget de 10 millions de dollars, a pour but de permettre d’identifier des locuteurs au son de leur voix. Les caractéristiques uniques et comportementales d’une voix spécifique sont identifiées à partir des échantillons collectés, et sont ensuite transformées en un modèle algorithmique.
Si un échantillon de voix est stocké dans la base de données SiiP, il est donc possible d’identifier un locuteur de manière automatisée, quelle que soit sa langue. Un extrait de voix inconnue pourra être téléchargé et associé à une liste de candidats potentiels. En outre, le système permet aussi de filtrer les échantillons de voix par sexe, âge, langue ou accent.
De toute évidence, cette technologie de biométrie vocale est une avancée importante pour l’application de la loi. Cependant, The Intercept estime aussi que le projet SiiP » lève les drapeaux rouges en matière de protection de la vie privée « .
Interpol a créé une base de données regroupant des échantillons vocaux
Tout d’abord, le site web souligne le fait qu’Interpol ne précise pas si les échantillons de voix stockées dans la base de données proviennent uniquement d’enregistrements de criminels, ou si l’on compte aussi des enregistrements de citoyens lambdas tels que des conversations téléphoniques capturées au hasard.
La source explique que cette base de données pourrait aussi regrouper des échantillons de voix récupérés sur YouTube, Facebook, internet, ou encore des conversations publiques enregistrées à l’insu des locuteurs. Ainsi, l’objectif d’Interpol serait de transformer nos voix à tous en empreintes biométriques sans se préoccuper des questions de consentement.
Comme l’explique Cynthia Wong, chercheuse à Human Rights Watch, il est tout à fait possible que vous ayez accepté que votre voix ait été enregistrée dans un contexte (comme une interview), mais que vous ne soyez pas d’accord pour qu’elle soit stockée dans une base de données biométrique. Pire encore, il est possible que votre voix ait été secrètement enregistrée afin d’être ajoutée à la base de données d’Interpol.
Quoi qu’il en soit, The Intercept rappelle que de nombreuses agences gouvernementales utilisent déjà des systèmes de reconnaissance vocale. Un document d’Interpol révèle ainsi que » plus d’une cinquantaine d’organismes en provenance de 69 pays » utilisent déjà des programmes d’identification automatisée des locuteurs. La Chine, notamment, utiliserait un système intégré aux réseaux de téléphonie mobile capable d’identifier les voix en temps réel.
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