L’Union européenne envisage d’autoriser le partage de bases de données de reconnaissance faciale entre les forces de police des États membres. C’est ce que révèle une série de documents en fuite obtenus par le site web The Intercept…
Le 27 mai 2005, sept États membres de l’Union européenne ont signé le traité de Prüm en Allemagne : l’Autriche, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne et l’Allemagne.
Ce traité, parfois surnommé » Schengen III » ou » Schengen Plus « , autorise les forces de police des États membres à partager certaines bases de données. Actuellement, cette autorisation concerne les bases de données sur l’ADN, les empreintes digitales ou l’immatriculation des véhicules.
Quinze ans après la signature du traité, une série de documents obtenus par le site web The Intercept révèle que la coopération entre les pays de l’UE pourrait aller plus loin. Il s’agit d’une série de rapports émanant du Conseil de l’Union européenne, qui auraient circulé entre 10 États membres depuis le mois de novembre 2019.
Ces rapports présentent différentes mesures proposées par l’Autriche, visant à étendre le traité de Prüm à la reconnaissance faciale. La proposition serait d’autoriser les forces de police des pays de l’UE à partager des bases de données regroupant les images de leurs systèmes de reconnaissance faciale respectifs.
Déjà en 2018, le Conseil avait invité les experts des États membres dans le cadre d’une réunion » Working Party on Information Exchange and Data Protection « . L’objectif de ce rassemblement était d’envisager un développement du Traité de Prüm, avec l’inclusion de nouvelles technologies biométriques et notamment les systèmes de reconnaissance faciale.
En outre, la Commission européenne aurait fait appel à Deloitte pour étudier la faisabilité de l’incorporation des technologies de reconnaissance faciale au Traité de Prüm. Le cabinet d’audit et de conseils mondiaux aurait touché 700 000 euros pour réaliser cette étude.
Reconnaissance faciale : l’Union européenne face à un dilemme
Ces documents en fuite confirment que l’Union européenne fait face à un profond dilemme quant à la règlementation de la reconnaissance faciale. En janvier 2020, une autre fuite révélait que la Commission européenne envisageait de bannir cette technologie pendant 5 ans en attendant de définir une législation adéquate.
Cependant, la Commission vient de révéler sa stratégie pour le développement de l’intelligence artificielle, et cette idée a été abandonnée. En guise d’alternative, l’UE envisage désormais un » vaste débat « sur l’utilisation des données biométriques.
Rappelons cependant que l’article 4 (14) du RGPD interdit à l’heure actuelle le traitement des données biométriques à des fins d’identification d’individus à moins que la sécurité nationale ou l’intérêt public soient en jeu. De plus, selon l’article 6, les données personnelles d’un individu ne peuvent être traitées sans son consentement explicite.
Le RGPD n’empêche pas pour autant les États membres d’envisager le déploiement de systèmes de reconnaissance faciale sur leurs territoires. La France prévoit d’autoriser l’intégration de technologies de reconnaissance faciale aux systèmes de surveillance vidéo, et l’Allemagne compte déployer de tels systèmes dans 134 gares et 14 aéroports.
Ces différents projets sont contradictoires, mais cela n’a rien de surprenant. Pour cause, la reconnaissance faciale est une arme à double tranchant : elle peut permettre d’accroître considérablement la sécurité, mais représente aussi une menace importante pour la confidentialité et la vie privée des citoyens. Il est donc difficile, mais indispensable, de trouver le juste milieu pour profiter de ses bienfaits sans pour autant pâtir de ses dangers…
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