Le FISC utilise un logiciel de Machine Learning développé avec CapGemini et Google Cloud pour détecter les piscines privées non-déclarées. Plus de 10 millions d’euros d’impôts ont déjà été collectés sur 9 départements, et ce système va être étendu à tout le pays. Découvrez tout ce que vous devez savoir…
Nous sommes en 2022, et se connecter aux sites web de l’administration française reste un véritable calvaire. Quand les serveurs ne plantent pas, c’est l’application qui bug ou le site web qui est piraté…
En revanche, il y a une chose pour laquelle la France est à la pointe de la technologie : collecter les impôts. Grâce au Machine Learning, le FISC a pu détecter les piscines non déclarées et collecter près de 10 millions d’euros de taxes additionnelles.
Rappelons en effet qu’en France, les impôts sont calculés en se basant sur la valeur locative d’une propriété. Les piscines peuvent donc coûter plusieurs centaines d’euros par an.
En moyenne, une piscine de 30 mètres carrés est taxée 200 euros par an. Or, beaucoup de propriétaires peu scrupuleux choisissent de ne pas les déclarer.
Un logiciel créé avec Capgemini et Google Cloud
Afin de les piéger, la France a lancé son projet de Machine Learning en octobre 2021. En partenariat avec Capgemini et Google Cloud, le FISC a analysé les photos aériennes de l’Institut national de l’information géographique et forestière.
Un logiciel a été développé pour identifier les piscines sur ces images, notamment en repérant les rectangles ou les ovales de couleur bleue. Cette approche permet de détecter les piscines jusqu’alors dissimulées par des murs et des buissons.
Ces informations sont ensuite croisées avec les bases de données des registres nationaux des impôts et de la propriété. Après vérification humaine, si une piscine détectée par le système n’est pas déclarée, le propriétaire est accusé de fraude.
Selon les premiers rapports du projet, le logiciel de Machine Learning avait d’abord un taux d’erreur extrêmement haut de 30%. Le modèle confondait fréquemment d’autres installations telles que des panneaux solaires avec des piscines.
Ces problèmes ont été résolus, et la DGFIP assure que son système de Machine Learning est presque infaillible. Parmi les contribuables contactés par les autorités suite à la découverte de leur piscine par l’outil, 94% ont confirmé avoir effectivement une piscine imposable.
L’institution compte même étendre son usage à la détection d’autres structures non déclarées. Selon Antoine Magnant, directeur général des finances publiques, les extensions telles que les vérandas sont particulièrement ciblées. Il sera toutefois nécessaire que le logiciel ne les confonde pas avec des structures plus petites comme la niche du chien ou une cabane d’enfant.
Une stratégie controversée
Le choix de Google Cloud comme partenaire par Capgemini suscite la controverse. Pour cause, ironiquement, ce géant américain est en conflit avec le gouvernement français depuis bien longtemps… au sujet des impôts qu’il ne paye pas.
Par ailleurs, plusieurs syndicats représentant les employés des finances publiques expriment leurs inquiétudes concernant cette nouvelle approche. Ils craignent notamment que le gouvernement les remplace par une intelligence artificielle, et se débarrasse notamment des employés envoyés sur le terrain.
Le représentant de la Confédération Générale du Travail dans les Bouches-du-Rhône estime par ailleurs que cet outil n’est pas suffisamment précis. Il reproche notamment à l’IA de confondre les piscines enterrées imposables et les piscines hors-sol temporaires et démontables qui ne sont pas imposables.
Selon lui, les interactions en personne avec les contribuables restent indispensables face à ces situations. Il affirme que « l’intelligence artificielle ne doit jamais remplacer les êtres humains ».
Vers un scan complet du pays, pour 40 millions € d’impôts
Pour l’heure, l’ampleur du projet reste limitée. Seuls 9 des 96 départements français ont été passés au crible.
Le système a été testé dans les Alpes-Maritimes, le Var, les Bouches-du-Rhône, l’Ardèche, le Rhône, la Haute-Savoie, la Vendée, le Maine-et-Loire et le Morbihan. Toutefois, rien que sur cette petite partie du pays, la DGFIP a découvert 20 356 piscines non déclarées.
Au total, selon les dernières estimations de Statista en date de 2020, il y a environ 3,2 millions de piscines privées en France. Cependant, la construction aurait connu un véritable essor lors des confinements liés au Covid-19 et aux vagues de chaleur. Selon la Fédération des Professionnels de la Piscine et du Spa, plus de 240 000 piscines ont été construites rien qu’en 2021.
En pleine sécheresse, la possession de piscines privées fait polémique en France. Rappelons que seulement 9,7 millimètres de pluie sont tombés en juillet 2022. Il s’agit du mois le plus sec pour le pays depuis mars 1961 selon Meteo-France. Plus de 100 municipalités ont été menacées par une pénurie d’eau, et l’arrosage est banni dans la majeure partie du nord-ouest et du sud-est.
Face aux chaleurs extrêmes, certains squattent discrètement la piscine du voisin pour se rafraîchir. D’autres vont jusqu’à. percer les jacuzzis pour exprimer leur colère…
Le conseiller régional d’Île-de-France et secrétaire national du parti Europe Ecologie les Verts a récemment fait couler l’encre en refusant d’exclure l’interdiction de construction de nouvelles piscines privées.
Il estime qu’il s’agit d’une solution de dernier recours, et a ensuite précisé sur Twitter que son objectif n’est pas d’interdire les piscines, mais de « garantir nos besoins vitaux en eau ».
À présent, le FISC prévoit d’étendre l’usage de l’IA à l’intégralité du pays à l’exception des départements d’outre-mer. Ceci pourrait rapporter 40 millions d’euros d’impôts additionnels…
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