Les scientifiques chinois sont parvenus à créer une véritable chimère de singe, avec des yeux verts brillants et des doigts fluorescents ! Au-delà de la prouesse, est-ce vraiment une bonne idée ?
Depuis l’aube des temps, l’humain imagine des chimères : des créatures hybrides entre plusieurs animaux, tantôt fascinantes et tantôt effrayantes.
Dans la mythologie grecque, la Chimère est ainsi le croisement d’un lion, d’une chèvre et d’un dragon capable de cracher des flammes.
Toutefois, s’il s’agissait jusqu’à présent d’un simple mythe, la science nous confère à présent le pouvoir de créer de tels monstres dans le monde réel. Et c’est désormais chose faite.
Une équipe de scientifiques chinois vient d’annoncer la naissance d’un primate semblable à nul autre, avec des yeux verts brillants et des doigts dont le bout brille en jaune.
Or, cet étrange animal n’a rien de naturel. Il s’agit d’un singe créé en laboratoire, à l’issue d’une expérience sans précédent.
Le singe le plus chimérique jamais créé jusqu’à présent
À l’aide des cellules souches pluripotentes de deux œufs fécondés de la même espèce de singe, mais génétiquement distinctes, les chercheurs ont créé de toutes pièces un macaque à longue ou Macaca Fascicularis.
Que l’on soit clair : il ne s’agit pas du premier singe formé artificiellement par la fusion de multiples œufs fertilisés. En revanche, c’est de loin le plus chimérique jamais conçu jusqu’à ce jour.
Scientifiquement parlant, un animal « chimère » est un organisme unique composé de cellules dérivées de plus que ses deux seuls parents.
En l’occurrence, les cellules et les tissus créés à partir de deux lignes de cellules souches séparées, l’une de l’embryon du donneur et l’autre de l’embryon hôte, sont apparents dans le cerveau, le coeur, les reins, le foie, le tractus gastro-intestinal, les testicules et les cellules qui se transforment en spermatozoïdes.
Sur les 26 différents types de tissus que les scientifiques ont mesurés sur le signe vivant, la contribution des cellules souches données allait de 21% jusqu’à 92%. Le plus haut pourcentage a été observé dans les tissus du cerveau.
Par le passé, de précédentes études n’ont résulté que sur des foetus de singes chimériques vivants ou mort-nés avec de faibles contributions de cellules de donneurs à divers tissus comprises entre 0,1% et 4,5%.
En 2012, les premiers singes chimériques vivants étaient dévoilés. Toutefois, les cellules souches de donneurs ne représentaient qu’environ 4% de contribution.
De plus, les tissus chimériques étaient « limités aux organes riches en sang » comme le foie et le placenta. Il s’agissait donc davantage d’un « mélange de sang » que d’un véritable chimérisme dans les tissus solides.
Or, cette nouvelle chimère explose totalement les records. Malheureusement, elle n’a survécu que 10 jours. Cela prouve que la santé de ces créatures artificielles demeure un problème à résoudre…
Une avancée majeure pour la médecine ?
Quoi qu’il en soit, comme l’explique l’ingénieur Zhen Liu de l’Académie Chinoise des Sciences (CAS), « il s’agit d’un objectif de longue date dans le domaine ».
Et ce n’est pas une simple prouesse technique. Ces travaux pourraient « nous aider à générer des modèles de singes plus précis pour étudier les maladies neurologiques ou pour d’autres études biomédicales ».
Lors d’une conférence de presse, le principal auteur de l’étude, le généticien Jing Cao de la CAS, affirme qu’il s’agit d’une avancée scientifique primordiale puisqu’elle prouve pour la première fois la possibilité de créer de riches chimères non-humaines de primates.
Malgré les nombreux questionnements éthiques liés à ce domaine de recherche, ses partisans mettent en avant ses avantages majeurs pour tester les maladies et les traitements.
Puisque les cellules souches des donneurs peuvent être modifiées génétiquement, les chercheurs biomédicaux pourraient potentiellement tester les conséquences de maladies sur de futurs modèles de singes dans le futur.
Plus la contribution de cellules souches de donneur est haute, plus les modélisations de maladies peuvent être précises. Par exemple, dans le cas des cellules d’œufs et de spermatozoïdes, un pourcentage de chimérisme d’à peine 10% peut être un modèle très utile.
C’est ce qu’affirme l’immunologue Miguel Esteban du CAS et de l’Institut Génomique de Pékin. Les lignes de germes peuvent en effet théoriquement être transférées à la progéniture.
Une expérience mortelle pour de nombreux singes
Afin d’obtenir des tissus brillants, les scientifiques ont utilisé des protéines fluorescentes vertes afin « d’étiqueter » les cellules données injectées dans des embryons de singes âgés d’une semaine.
Le but étant de pouvoir identifier clairement les cellules données grâce à l’éclat vert des tissus. Lorsque ces embryons ont été implantés dans les macaques femelles, seuls six singes sont nés vivants et un seul d’entre eux, un mâle, présentait des tissus dérivés de cellules souches dans plusieurs régions de son corps.
Tout comme les expériences d’Elon Musk et sa startup Neuralink qui crée des implants cérébraux, ces travaux de recherche provoquent la mort de nombreux singes.
L’un des foetus avortés montrait aussi un certain niveau de chimérisme, à un pourcentage toutefois inférieur. Quoi qu’il en soit, sa naissance n’est pas survenue.
De manière générale, Cao et ses collègues admettent que l’efficacité du processus reste « basse ». Le taux de succès est divisé par deux par rapport à la création d’un embryon in vitro sans chimérisme.
Cela reste toutefois un pas en avant prometteur dans la bonne direction. Cette faible efficacité peut s’expliquer par la façon dont les cellules souches ou les embryons sont cultivés dans le labo.
Par exemple, quand les cellules souches du donneur sont injectées dans un embryon hôte, un grand nombre d’entre elles subissent une mort cellulaire programmée. Il est donc très difficile d’accroître le taux de survie dans l’embryon et le fœtus.
L‘équipe espère toutefois faire des progrès à l’avenir, et se dit convaincue que ses travaux peuvent aider les scientifiques à mieux comprendre les premières étapes de la différenciation des cellules souches chez les primates.
Il s’agit en effet d’un phénomène encore drapé de mystère par rapport à celui des souris. Aux dires d’Esteban, « nous avons fourni une preuve solide que les cellules souches pluripotentes naïves de singe possèdent la capacité de se différencier in vivo de tous les différents tissus composant le corps d’un singe ».
Ainsi, cette étude publiée dans le journal Cell « approfondit notre compréhension du potentiel de développement des cellules souches pluripotentes dans les espèces de primates ».
Malheureusement, on ne peut qu’espérer que ces travaux ne dérivent pas sur des expériences toujours plus controversées en amenant l’humain à se prendre pour un dieu…
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