Pendant 7 heures, en décembre 2021, des pannes d’Internet se sont produites. Cela a entraîné des dommages importants pour de nombreuses entreprises. Le coupable ? Une défaillance sur les serveurs cloud d’Amazon en Virginie du Nord.
Cet incident, loin d’être isolé, révèle à quel point les entreprises et les gouvernements confient leur puissance informatique à une poignée de services cloud. Trois sociétés seulement – Amazon, Microsoft et Google – contrôlent environ deux tiers de l’infrastructure cloud. Selon Vili Lehdonvirta, expert en chef des économies numériques à l’université d’Oxford, il s’agit là d’un sérieux problème. Il parle des entreprises de cloud computing comme certains épidémiologistes parlent des antibiotiques. Ces solutions faciles peuvent, si elles sont utilisées trop souvent, provoquer une contagion mortelle imprévue.
Dépendances technologiques
Netflix, un client important d’Amazon Web Services (AWS), se plaint qu’il aurait du mal à fonctionner si Amazon le retirait de ses serveurs. Même la majorité des nœuds d’Ethereum, le réseau décentralisé de blockchain, dépendent d’AWS. De fait, on peut dire que cette société de services cloud, nettement centralisée, peut mettre hors ligne n’importe quelle entreprise.
En même temps, les grandes entreprises de services cloud accumulent de l’argent et consolident leur domination. Amazon a tiré 74 % de ses 24,8 milliards de dollars de bénéfices d’AWS l’année dernière, contre 58 % en 2018. Et l’argent va continuer à couler à flots. Pour preuve, le cabinet de recherche Gartner prévoit que les clients dépenseront 600 milliards de dollars sur ses services d’ici la fin de l’année 2023.
Pourquoi le cloud occupe-t-il une place prépondérante ?
Il faut savoir que pour faire face à la dépendance technologique, la solution la plus évidente serait d’arrêter d’utiliser massivement le « cloud ». Cela consisterait plutôt à revenir à l’informatique décentralisée qui régnait dans les années 1990. Au cours de ces années, les entreprises gèraient leurs propres serveurs. Mais cela est plus facile à dire qu’à faire. « Faire basculer un système qui fonctionne avec des centaines de millions d’utilisateurs constitue un véritable défi », affirme M. Lehdonvirta.
De même, les entreprises n’ont pas beaucoup de raisons d’éviter le cloud à court terme. Après tout, des entreprises comme Zoom ont rapidement gagné du terrain. Celles-ci s’appuient fortement sur les serveurs cloud d’Amazon.
La volonté politique est aussi limitée, note M. Lehdonvirta. Les principaux acteurs du cloud se répartissent entre les États-Unis, où Google, Microsoft et Amazon ont leur siège social, et la Chine, où Tencent et Alibaba sont implantés. Ces entreprises ont des liens étroits avec les gouvernements des pays dans lesquels elles sont basées et les protègent, dit-il.
Une relation malsaine, une pente glissante
Les chercheurs s’inquiètent également de la manière dont les services d’intelligence artificielle que ces ordinateurs dématérialisés offrent à leurs clients consolident leur domination. En fait, les entreprises paient les fournisseurs de cloud computing pour exécuter des algorithmes de machine learning pour diverses tâches. Notamment l’analyse d’images ou la création de chatbots.
Ces algorithmes sont en partie créés à partir des données que le fournisseur de services dématérialisés a recueillies auprès de ses clients, mais sont tenus secrets. Pourtant, les multinationales qui exploitent ces ordinateurs n’ont pas peur d’utiliser leur puissance pour prendre pied dans le secteur d’activité de leurs clients.
Rikap cite l’exemple de la société munichoise Siemens, qui a loué le cloud d’Amazon pour construire sa plateforme d’IA pour les soins de santé. Quelques années plus tard, Amazon a proposé des services similaires aux clients de Siemens. Les plateformes de soins de santé de Google et de Microsoft rivalisent également avec les services de Siemens.
« À un moment donné, la seule chose que l’on pourra faire en tant qu’entreprise sera d’utiliser le cloud », a ajouté M. Rikap. « Il n’y a pas d’issue à court terme ».
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